Le domaine perdu : les secrets du tournage

Au départ, Raoul Ruiz avait pensé intituler son film Livre à vendre.

Bernard Giraudeau avait été pressenti pour tenir le rôle finalement interprété par François Cluzet.

François Cluzet et Grégoire Colin avaient déjà tourné ensemble sous la direction de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland dans le drame familial Olivier, Olivier en 1992 où ils sont respectivement père et fils. Cluzet explique le rapprochement entre les deux personnages qu'ils interprètent dans les deux films : "J'aimais bien l'idée que, dans le film de Raoul Ruiz, ce soit lui ( Grégoire Colin) qui soit du côté de la raison, alors que mon personnage a la tête dans les nuages et se trouve du côté de l'irrationnel- malgré nos vingt ans d'écart."

Raoul Ruiz insuffle une grande part de romanesque et d'onirisme au film. François Cluzet raconte : "Cela m'intéressait beaucoup car j'y voyais une proximité avec le théâtre. (...) On voit la part d'enfance ressurgir en chacun des personnages : ils peuvent révéler leur essence, autrement dit, leur jeunesse et leur part de rêve."

"Jusque-là, je n'avais jamais eu l'occasion d'interpréter de héros secrets et j'étais heureux de le faire avec un cinéaste de cette exigence. J'ai été très sensible à ce personnage mutique et énigmatique. Avec le temps, j'aime de moins en moins les dialogues au cinéma. Si le verbe définit le Théâtre, le cinéma c'est l'image et je trouve beaucoup plus intéressant d'exister, d'être présent que de parler : j'ai retrouvé dans le personnage d'Antoine cette capacité à exprimer les choses sans avoir besoin de les formuler. J'aime beaucoup la dimension irrationnelle, si peu cartésienne, de mon personnage qui fait le choix de l'enfance. Il y a aussi en lui une proximité avec Saint-Exupéry qui n'aimait rien tant qu'être en l'air. (...) Je crois que j'ai aujourd'hui l'âge pour interpréter de tels personnages et admettre qu'on peut vivre sans avoir les pieds sur terre..."

Grégoire Colin qui n'avait jamais travaillé auparavant avec Raoul Ruiz raconte ce qui l'a attiré à interpréter le personnage de Max à l'âge de 18 ans, de 20 ans et de 71 ans : "J'aimais l'idée de faire cette traversée de tous les âges d'une vie, au cours de laquelle la mélancolie et la nostalgie pèsent de plus en plus sur les épaules du personnage, de manière presque maladive. J'avais le sentiment que ce personnage dévoilait une part de l'intimité de Raoul Ruiz : ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il m'a fait porter sa moustache à la fin du film ! J'étais également attiré par la construction complexe du scénario, par ses différentes temporalités et par la manière dont les liens entre personnages se font et se défont au-delà des époques."

C'est le propre père de Grégoire Colin qui interprète Max à l'âge de 51 ans. Avant tout metteur en scène de théâtre, Christian Colin a mis en scène des grandes oeuvres d'auteurs tels que Koltès, Shakespeare, Molière, Tchekov. Fondateur et directeur de l'Ecole du Théâtre National de Bretagne, il est également comédien : il a été pensionnaire de la Comédie française de 2003 à 2004.