Distorsion est un film écrit au coeur des attentats israéliens. Le réalisateur tenait justement à faire un film pendant cette deuxième Intifada pour faire prendre conscience de l'évènement:" A chaque fois qu'il se produit un évènement tragique en Israël, il faut attendre une dizaine d'années avant que le cinéma n'en parle. Je me suis alors dit qu'il serait intéressant - pour une fois - de réagir à chaud." confie Haim Bouzaglo. Le scénario a été écrit en une semaine et le tournage a commencé trois semaines après. En dix jours, le film était fini et les caméras ont capté le moindre évènement de cette vague d'attentats pour que l'aspect documentaire s'intègre le mieux au film.
A l'image de son titre, le long métrage est "fragmenté". Haim Bouzaglo définit lui-même son film comme un "jeu de miroirs entre le cinéma, le théâtre, la caméra cachée, le matériau documentaire et la vie". Pour mieux coller à cette construction éparse, le réalisateur a utilisé le procédé du split-screen pour représenter une même réaction vue de manière différente et pour mieux coller au sentiment de quasi-schizophrénie du film.
La construction fragmentée du film qui aborde plusieurs points de vue et plusieurs réalités correspond à notre perception du monde actuel selon les dires du réalisateur: " On vit dans un monde où les évènements se produisent de façon simultanée. Sous l'impulsion du téléphone portable ou de l'Internet, notre cerveau est de plus en plus habitué à appréhender diverses réalités en même temps. Je pense donc qu'il est plus facile aujourd'hui de raconter plusieurs intrigues parallèles dans un film - à condition d'avoir une narration principale et un dénouement".
Le film est une véritable mise en abîme de ce qui se passe dans la tête du réalisateur: alors qu' Haim Bouzaglo a décidé d'écrire suite aux attentats, le film parle justement d'un auteur qui ne trouve plus l'inspiration après un attentat-suicide et dont la pièce s'écrit au jour le jour. Le réalisateur a poussé encore plus loin l'identification, puisque c'est lui-même qui incarne le rôle pricipal: "Ce n'était pas prévu au départ et j'avais même prévu un comédien pour le rôle. Mais mon cadreur m'a alors fait remarquer que si on allait au bout du dispositif de "fiction-documentaire" c'était moi qui devais l'interpréter." dit-il
Pour maintenir l'aspect "fiction-documentaire" du film, le réalisateur a laissé les acteurs improviser et ne leur a pas dévoilé tous les rebondissements afin de capter les réelles émotions de l'acteur: " J'aime beaucoup la méthode de Cassavetes ou de Mike Leigh, et je laisse souvent les comédiens improviser (...) Pour autant, j'ai ménagé un certain nombre de surprises aux acteurs qui ne savaient pas toujours d'avance ce qui allait se passer... Par exemple, quand mon personnage demande à sa femme si elle veut qu'ils fassent un enfant immédiatement, ce n'était pas prévu, et je me suis servi de l'effet de surprise à l'image: la spontanéité même de de la réaction de la comédienne ajoute encore à la dimension documentaire du film", confie-t-il.
Haim Bouzaglo conçoit Distorsion comme faisant partie d'une trilogie composée de trois segments: Janem Janem, Distorsion et Côte à côte. A chaque film, le héros principal suit un parcours psychologique pour réapprendre à connaître son pays: l'Israël.