J'ai souvent parlé ici du rapport en trompe-l'oeil de la bande-annonce avec le film lui-même. Celle de "Coeurs Perdus" m'avait attiré, parce qu'elle laissait entrevoir une intrigue solide et originale, avec un traitement classique mais soigné, le tout porté par une distribution alléchante : Jared Letho en gigolo moumouté, Selma Hayek en garce fatale, et Travolta en justicier monolithique. Clairvoyance ou malhonnêteté des auteurs de la bande-annonce ? Toujours est-il qu'ils en ont éliminé tout ce qui me déplait dans ce film : une succession de clichés et une idéologie sous-jacente nauséabonde.
Côté clichés, on en déniche autant dans la caractérisation des personnages, dans le scénario et dans la mise en scène. Elmer Robinson-Travolta est un concentré de la psychologie sommaire des justiciers-maltraités-par-la-vie-et-rongés-par-la-culpabilité, son fils lui en veut de la mort de sa mère, et son amie, la lynchienne Laura Dernn égarée dans ce salmigondi, souffre de ne pouvoir ni effacer le souvenir de la morte, ni supplanter l'enquête. Les relations entres les flics sont caricaturales, avec une opposition violente entre les cyniques grossiers et les idéalistes qui le cachent bien. Todd Robinson a confondu hommage et pâle plagiat : ses personnages fument cigarettes sur cigarettes comme plus personne ne le fait depuis Bogey.
Mais le pire réside dans la glorification de la peine de mort, avec un réalisme qui évoque celui de "La Ligne Verte", mais avec un propos opposé : si les héros montrent leur malaise au moment de l'exécution, c'est juste pour souligner leur grandeur d'âme, et en aucun cas pour remettre en cause la barbarie de la mise à mort. Le seul intérêt de ce polar mollasson, c'est la composition de Selma Hayek, qui réussit à rendre crédible ce personnage de Bonnie Parker en bas résilles, et qui se montre capable d'insuffler de la fragilité jusque dans ses actions criminelles, et une pointe inquiétante de menace dans ses moments d'humanité. C'est peu, et bien insuffisant pour faire de "Coeurs Perdus" autre chose qu'un téléfilm à l'image trop bien léchée.
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