The Take a été présenté à la Mostra de Venise, dans le cadre de la section "Venezia Cinema Digitale", dédiée aux films tournés en numérique.
The Take est un premier long métrage, réalisé par un couple de Canadiens engagés : Naomi Klein et Avi Lewis. Originaire de Montréal, la première est l'auteur de la Bible des Altermondialistes : No logo, ouvrage paru en 2001 et qui dénonce la toute-puissance de la publicité et du marketing, et notamment l'omniprésence des marques. Le succès international de ce livre, traduit en 27 langues, a fait de cette journaliste et économiste une des figures de proue de la lutte contre le néo-libéralisme. Awi Lewis est quant à lui un animateur de télévision très célèbre au Canada, aussi bien pour ses interviews de vedettes de la pop music que pour ses reportages sur l'actualité politique. En 2002, il signe Gustavo Benedetto : Presente !, un court métrage consacré à une des victimes de la répression policière en Argentine, en décembre 2001.
"The Take est notre premier film et nous l'avons fait pour répondre au défi qui nous était lancé par les critiques et également par les mouvements sociaux dont nous faisions partie : "Nous connaissons les modèles contre lesquels vous vous battez, mais quelle autre alternative proposez-vous ?" Il n'y a certainement pas qu'une seule alternative à la globalisation économique : il y en a des milliers. Nous, nous avons essayé de raconter une histoire, celle d'un mouvement émergent qui construit une alternative concrète aux forces du "turbo-capitalisme". Nous l'avons fait, autant que possible, avec les propres mots et le vécu des ouvriers."
Passionnés par ces expériences d'autogestion, Avi Lewis et Naomi Klein se sont attachés à suivre le cas de la Forja Saint Martin, usine automobile occupée par ses employés en mars 2003, deux ans après avoir été mise en faillite par ses propriétaires. Ils ont notamment filmé cette occupation, et le combat de Freddy Espinosa, président de la coopérative, pour obtenir l'autorisation légale de redémarrer l'activité. Celle-ci a repris six mois plus tard : les réalisateurs étaient alors rentrés au Canada pour le montage de leur film, il sont donc repartis en Argentine pour tourner de nouvelles séquences.
Les cinéastes ont été très frappés par un slogan, qui aurait pu devenir le titre de leur film. Ils racontent : "Nous avons rencontré une jeune ouvrière, Maty, qui faisait partie du mouvement piquetero des ouvriers sans emploi, et qui venait d'être engagée dans une usine de carreaux de céramique contrôlée par des ouvriers. Nous lui avons demandé si elle allait voter aux élections présidentielles, en réponse elle nous a conduits jusqu'à un graffiti gribouillé sur un mur dans le quartier pauvre où elle vit : "Nos rêves n'ont pas de place dans vos bulletins de vote." Ce slogan a résonné très fort en nous, avec cette profonde désillusion que les gens du monde entier ressentent vis-à-vis des élections quand elles sont coupées de la vraie démocratie. Avec l'espoir et la soif de démocratie et de justice dont nous avons besoin dans nos vies quotidiennes. Avec l'impatience de ceux qui sont fatigués de demander et qui commencent à agir et à prendre."
Le tournage de The Take s'est révélé être une expérience particulièrement enrichissante pour les -jeunes- membres de l'équipe du film, et pas uniquement sur le plan strictement cinématographique, comme le confient les deux réalisateurs : "Le film représente, pour nous et pour la petite famille internationale qui nous a accompagnés pour le réaliser, une expérience politique personnelle : 16 jeunes venant d'Argentine, du Canada, des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Parmi eux, des activistes travaillant sur un film pour la première fois et des techniciens de cinéma respirant des gaz lacrymogènes pour la première fois. 250 heures de vidéo et huit mois de tumultes politiques en Argentine nous ont finalement amenés dans les vies de ces ouvriers qui changent le monde et qui ont changé le nôtre. Nous avons été frappés par la tranquille, mais fière, dignité de leur combat. Pendant que nous nous battions avec eux, ils nous ont laissé partager leur vie, entrer dans leur maison, au coeur de leur communauté : leur lieu de travail."