Selon Charlie marque le retour sur la Croisette de la cinéaste-comédienne Nicole Garcia, qui était déjà venue présenter en compétition ses réalisations 15 août en 1986 et L'Adversaire en 2002 et s'était vue gratifier du titre de Jurée en 2000.
Nicole Garcia explique la genèse du projet : "Je commence toujours un film sur le rêve personnel d'une scène, d'un éclat de situation, qui me semble riche d'un mystère, d'une ambiguïté, d'une histoire que l'on peut aller chercher en amont ou en aval de cette scène. Je livre ce rêve en confiance à Jacques Fieschi et Frédéric Bélier-Garcia. J'accueille les leurs, on parle. Tout commence là."
Pour Selon Charlie, se sont d'abord imposés à Nicole Garcia deux personnages, liés par regard dansune cour de lycée : Pierre et Matthieu. Deux hommes qui se retrouvent de part et d'autred'une vie, d'une ambition qu'ils avaient rêvée ensemble, et qui s'étaient perdus... "Je mesuis passionnée pour l'énigme de leur relation, ajoute-t-elle. Mais quand j'ai commencé à entrevoir en quoi elle était productive de fiction et d'affects, je me suis rendue compte que ce "mystère" me ramenait trop du côté de mes films précédents, en me mettant dans ces thèmes du secret et de la culpabilité, que j'avais déjà creusés. J'ai préféré faire de ce duo initial une des figures de l'histoire et aller chercher ailleurs le déploiement du sujetsensible que j'entrevoyais... comme si la mosaïque était la meilleure technique pourpeindre le motif que je voulais, encore de manière diffuse, traiter. Comment les hommespeuvent se tromper, emprunter une histoire, un rêve, un fantasme qui n'est pas le leur, etcomment ils peuvent, dans cet égarement, remonter à eux-mêmes. Raconter ça dans deséclats de vie, des fragments biographiques, qui ensemble racontent le même effort."
Avec Selon Charlie, Nicole Garcia explore à nouveau le thème du masculin, douze ans après avoir dirigé le trio Gérard Lanvin / Bernard Giraudeau / Jean-Marc Barr dans Le Fils préféré. Son fidèle scénariste Jacques Fieschi confie : J'ai écrit ce filmavec le défi de réussir à capter cette complexité masculine, dans ce qu'elle a demoins classiquement admis par le spectateur. Aller là où le cinéma traditionnel ne va pas. Une plongée dans les remous contradictoires et les ambivalences des hommes."
L'enfance constitue le fil rouge de Selon Charlie. Nicole Garcia avait déjà filmé des enfants dans Un week-end sur deux, mais satellisés au personnage principal. "Charlie est un enfant de onze ans, sans arme, otage de la sexualité de son père, confie la réalisatrice-comédienne. Il va fracasser le silence instauré par son père, sortir de l'aliénation de ce rapport quasi incestueux. Il est à la fois un des personnages de l'histoire, et l'épicentre de la fable. Son regard balaye tous les autres personnages comme s'il se chargeait de leur impuissance, de l'aveuglement dans lequel ils se débattent. Son acte est terrible et pur."
Pour les besoins de sa sortie en salles, Selon Charlie s'est vu raccourci d'une vingtaine de minutes. La version initiale qui avait été présentée à Cannes durait en effet 2h15. En procédant à ces coupes, la réalisatrice a cherché à rendre son film plus accessible. Interrogée par le magazine Score (N°21), Garcia minimise l'impact de ce remontage : "(...) de toute façon, je suis convaincue qu'il y a une sorte d'énergie naturelle au film. On peut retirer et réintégrer des scènes sans le défigurer."
Pour le scénariste Jacques Fieschi, Selon Charlie est "un film où la plupart des personnages luttent avec leur enfance. Une enfance dont on ne guérit pas, qui ne vous quitte pas. Joss est un personnage enfantin qui vit avec sa mère. Matthieu revient dans sa ville d'enfance, dans l'endroit même où il avait vécu à l'âge de Charlie. Pierre est un mari, soit, mais c'est aussi le fils de sa femme. Sans qu'on se le dise explicitement, on avait envie de faire tous les âges de la vie, sauf la vieillesse. Il y a aussi cet être des premiers temps, Dirk, qui est un peu l'enfance de l'humanité. On l'a traité comme une figure poétique plus que comme un cas scientifique."
Plusieurs villes ont constitué une même ville, fictive, dans laquelle se déroule l'action du film. "Le lycée appartient à telle ville, la thalasso à une autre, la plage à une troisième, explique Nicole Garcia. Le scénario établissait une scénographie. Quand je l'ai fait lire à Stéphane Fontaine (directeur de la photographie) et Thierry Flamand (chef décorateur), ils m'ont demandé où cette ville se trouvait, tant les descriptions étaient précises. Je leur ai dit qu'elle n'existait pas et on est parti à sa recherche. Ne l'ayant pas trouvée une et entière, nous l'avons inventée et cette création nous a propulsés dans l'imagination libre de l'histoire."
Le rôle de Jean-Louis, le maire de la ville, devait être tenu à l'origine par l'acteur François Berléand, également compagnon de Nicole Garcia. N'ayant pu tourner le film, c'est Jean-Pierre Bacri, déjà présent au générique de Place Vendôme, qui l'a remplacé au pied levé.