Né en 1941 à Puerto Montt, au Chili, Raoul Ruiz commence par écrire des dizaines de pièces de théâtre, avant de se tourner vers le cinéma. Il signe en 1965 son premier long-métrage, Trois tristes tigres, qui décroche le Léopard d'or au Festival de Locarno. Il réalise ensuite une dizaine de films -courts ou longs-métrages, mais quitte son pays en 1973, au lendemain du coup d'état du général Pinochet, et s'installe à Paris. Il n'avait plus jamais tourné de fiction au Chili, jusqu'à ce Dias de campo.
Raoul Ruiz confie qu'il lui a fallu beaucoup de temps avant que son pays, le Chili, ne l'inspire de nouveau : "Après dix ans d'exil j'y suis retourné. J'ai été surpris de constater que rien dans mon pays ne me donnait l'envie de faire un film. Moi, à qui la seule idée de faire un film à Taiwan, en Sicile ou en Hollande me faisait venir des dizaines d'idées de fictions filmables, je me sentais devant le pays de mon enfance, comme paralysé, sans aucune idée. J'ai dû attendre encore vingt ans pour que les images du Chili commencent à se constituer en fictions que j'avais envie de filmer."
Raoul Ruiz : "J'ai commencé par de petits commentaires. Et puis, un jour, je me suis trouvé sans savoir trop comment ni pourquoi, en train de tourner une fiction chilienne. Qu'est-ce que ça veut dire "chilienne" ? Autrefois j'aurais répondu "une fiction sans qualités" (comme on dit : "L'Homme sans Qualités"). Aujourd'hui, j'aurais plutôt tendance à dire : un film dans lequel tous les éléments locaux seraient, tout d'abord, sujet d'étonnement et d'étrangeté, où le fantastique découlerait naturellement de petits événements "sans histoire". Evénements flottants dans un monde qu'ignore la chronologie. Un monde où vous n'arrivez pas à savoir si vous êtes en train de vous rappeler d'un événement du passé ou si c'est le passé qui est en train de se souvenir de vous."
Raoul Ruiz révèle le point de départ de Dias de campo : "Au départ, je voulais simplement adapter une nouvelle de l'écrivain Federico Gana [un auteur du début du XXe siècle, très célèbre au Chili] que j'avais lue à l'école. Puis j'ai décidé de mélanger deux de ses nouvelles. Finalement, j'ai fini par faire un film sur les souvenirs que la lecture de ses nouvelles avaient provoqués - j'avais huit ans - chez l'homme que je suis. Des souvenirs inversés, en quelque sorte."
Dias de campo n'est pas produit par le collaborateur habituel de Ruiz Paulo Branco, mais par Francois Margolin. Celui-ci avait produit en 1995 le film à sketches A propos de Nice, la suite, dont Ruiz avait signé l'un des segments. Par la suite, il a financé plusieurs documentaires du cinéaste chilien. En 1993, il s'était fait connaître comme réalisateur en signant Mensonge avec Nathalie Baye et a lui aussi tourné plusieurs documentaires.