Garçon stupide : les secrets du tournage

Garçon stupide est le premier long-métrage de Lionel Baier, cinéaste suisse né à Lausanne en 1975. Il est l'auteur de plusieurs courts-métrages, notamment Mon père, c'est un lion, promenade dans le Musée de l'Homme en compagnie de Jean Rouch. Chef de l'Unité cinéma de l'Ecole cantonale d'art de Lausanne, Baier programme et cogère une salle de cinéma suisse, le Rex à Aubonne.

"J'ai écrit il y a de cela deux ans un texte sous forme de notes et de remarques qui racontait l'histoire d'un jeune garçon d'une vingtaine d'années qui déambulait dans sa propre vie. Laurent Guido (co-scénariste) et moi avons alors travaillé plus de 14 mois sur différentes versions de l'histoire de Loïc, en imaginant des rebondissements et des personnages typiques d'un film de fiction traditionnel. Plus nous avancions, plus l'histoire perdait de son intérêt et de sa fraîcheur. Ce qui était séduisant dans le texte de base, c'était sa forme morcelée, discontinue (...) En accord avec Robert Boner, producteur de tous mes films, Laurent et moi avons décidé de laisser tomber Garçon stupide. C'est à ce moment-là que j'ai rencontré Pierre Chatagny." Le cinéaste a alors réécrit le scénario, en s'inspirant de l'histoire du jeune homme.

Le cinéaste parle de sa rencontre avec Pierre Chatagny : "Il m'avait envoyé une lettre très respectueuse à la suite d'un article qu'il avait lu me concernant en me demandant un rendez-vous. N'y ayant pas donné suite, Pierre a débarqué un jour dans les bureaux de la production. Je l'ai reçu, nous avons beaucoup discuté, et j'ai été fasciné par les similitudes que je pouvais tisser entre Loïc et lui. Son envie de faire du cinéma, de "faire quelque chose", son côté chien fou ont réanimé mon envie de tourner Garçon stupide." A propos de son travail avec ce comédien non-professionel, il ajoute : "Pierre Chatagny a impressionné toute l'équipe par sa ténacité, et sa capacité de travail. Il faut savoir que le tournage débutait vers 18 heures, soit une heure après que notre acteur fut sorti de l'usine ! La fatigue créait chez lui un état hyper réactif très utile au personnage."

Le cinéaste s'explique sur la crudité de certaines scènes de Garçon stupide : "La volonté de décrire les activités nocturnes de Loïc sur un mode très réaliste, sans contre-jour ou canapé au premier plan qui cache les parties génitales des protagonistes, me semblait essentiel car le ton du film est très direct, très ancré dans son temps. J'essaie de faire exister mon héros de la façon la plus optimale possible. Comme tous les jeunes de 20 ans, la sexualité occupe une place importante dans la tête de Loïc (...) Ne pas en parler aurait été une belle tartufferie et aurait constitué une faute de conception de mise en scène à mes yeux. Mais je n'aime pas le porno chic, qui semble tant choquer et plaire à un certain public. Montrer une pénétration ou une fellation en gros pan dans le seul but de prouver qu'on a osé la tourner ne m'intéresse pas. Il y a un côté "performatif" que je trouve assez vain. Le sexe, il faut lui faire de la place à l'écran, si vous me permettez l'expression, ou ne pas en parler."