Sur dix ans (de 1989 à 2001), John Dahl aura montré de réelles dispositions dans le genre néo-noir, inscrivant son travail dans la lignée de "La fièvre au corps " de Lawrence Kasdan (1981) et de "Sang pour sang" des frères Coen (1984) qui tout en ressortant du placard les canons érigés par les réalisateurs venus d'Europe Centrale qui régnaient en maîtres sur le genre dans les années 40 à Hollywood (Robert Siodmak, Billy Wilder, Otto Preminger, Fritz Lang, John Stahl), surent les parer d'une esthétique adaptée à l'évolution des mœurs. "Kill me again" est typiquement le petit frère des deux films précités, écrit par Dahl lui-même aidé de son frère Dick. Dans le désert brûlant du Nevada, non loin de Las Vegas, se joue une histoire de trahisons multiples autour d'un voyou brutal sans scrupule (Michael Madsen), d'un privé au grand cœur un peu naïf (Val Kilmer) et d'une bombe incendiaire (Joanne Whalley-Kilmer), vénale jusque dans le plus petit repli de sa jolie peau. Dahl pour son premier long métrage s'en donne à cœur joie avec ce cocktail savoureux qui même s'il n'atteint pas la perversité de "Sang pour sang", la sensualité torride du "Hot Spot" de Dennis Hopper ou la perfection esthétique de "La fièvre au corps", produit tout de même son petit effet grâce au jeu convaincant des jeunes pousses que sont alors Val Kilmer et Michael Madsen. Joanne Whalley elle aussi débutante qui disparaitra rapidement des écrans après sa séparation d'avec Val Kilmer constitue malheureusement le point faible du film, n'arrivant pas malgré beaucoup d'efforts à diffuser le parfum enivrant qui peut faire dire à chacun des spectateurs masculins qu'il tomberait lui aussi avec ravissement dans tous les pièges tendus par la belle. Pourtant récompensé au Festival de Cognac en 1990, "Kill me again" n'aura pas le succès commercial escompté. "Red Rock West", "Last Seduction" et "Les joueurs" qui suivront, permettront à John Dahl d'affiner grandement son style et de donner plus de rythme à sa narration. Le genre retombant quelque peu dans les limbes avec l'arrivée en force des effets spéciaux qui réorienteront à l'aube des années 2000 la production hollywoodienne vers la transposition des comics à l'écran, John Dahl se voit écarté de la réalisation de longs métrages au moment où il avait atteint sa pleine maturité. C'est ainsi qu'il s'est recyclé de manière plus anonyme vers la réalisation de séries ("Californication", "Dexter", "True Blood",...). Un talent prometteur qui n'aura pas donné sa pleine mesure, victime des aléas de l'exercice du métier de réalisateur dans la Mecque du cinéma.