Le personnage de Paul est interprété par Daniel Brühl, la révélation de Good bye Lenin !, chronique "ostalgique" signée Wolfgang Becker et qui triompha en Europe en 2003. Achim von Borries, qui signe avec Parfum d'absinthe son premier long-métrages (après plusieurs courts-métrages et films pour la télévision), avait d'ailleurs travaillé à l'écriture de Goodbye Lenin. Les deux films sont d'ailleurs produits par X-Filme Creative Pool, société qui a financé un autre succès récent du cinéma allemand, Cours, Lola, cours.
Parfum d'absinthe a été présenté en 2004 au Festival de Berlin, dans le cadre de la section Panorama, ainsi qu'au Festival du cinéma indépendant de Sundance.
"C'est un film sur la jeunesse, la fin de la puberté, sur le fait de grandir, un film sur les conséquences surprenantes qui découlent parfois de nos pensées et de nos actes (...) Si le spectateur se retrouve dans un de ces personnages ; s'il peut se souvenir de son premier amour, de ses fêtes, d'une vision romantique du monde si convaincue de son innocence absolue ; si l'on vit pour ressentir encore ce besoin indulgent, l'imminente détresse de ces moments, la magie, la beauté et la peine... Si ce film rappelle ces émotions, je serai heureux."
Parfum d'absinthe est inspiré d'un fait divers qui secoua l'Allemagne en 1927 : "la tragédie des étudiants de Steglitz". A Berlin, Günther Scheller, un étudiant de 19 ans, tira sur Hans Stephan, un apprenti cuisinier, avant de se suicider d'une balle dans la tête. Trois jeunes gens étaient présents lors du drame : un ami de Günther, Paul (seul témoin oculaire du drame), sa soeur Hildegard, et son amie Elli. La police retrouva une lettre dans laquelle Günther et Paul annonçaient leur intention de tuer Hans et Hilde puis de se suicider. Au terme d'un procès qui passionna les foules au printemps 1928, Paul fut déclaré non-coupable. Devenu écrivain, il dut fuir l'Allemagne au début des années 30, tandis qu'Hilde quitta la ville après le procès. Cette affaire qui mêle crime, (homo)sexualité, mal-être adolescent et alcool, provoqua par ailleurs un vif débat en Allemagne sur les moeurs de la jeunesse -l'éducation séparée des garçons et des filles, alors en vigueur, fut par exemple contestée.
Le réalisateur Achim von Borries précise les craintes qui étaient les siennes au départ : "Il y a deux ans, quand j'ai vu les recherches sur ce sujet mises en oeuvre par X-Filme, j'étais sceptique : l'aspect purement historique me dérangeait. Mais, plus j'étais engagé dans le projet, plus je percevais sa signification profonde : la rébellion désespérée de la jeunesse contre la vision du monde de leurs parents, l'incompréhension d'une société en pleine évolution, et en même temps cette atmosphère incertaine et confuse de l'entre-deux-guerres. Ainsi, le regard égocentrique que nos personnages portent sur le monde moderne m'est apparu très actuel, voire intemporel. J'ai eu le sentiment que finalement les années 20 n'étaient pas si différentes de nos années 2000."
Achim von Borries revient sur la construction du film : "La véritable beauté dans le fait d'être jeune est bien sûr d'aller trop loin, d'un bout à l'autre des extrêmes... Un jour, on a l'impression de posséder le monde, et l'autre de n'être qu'un infime grain de poussière. Dans cet état permanent de flux et de tension, il n'y a pas de place pour le kitsch. J'ai conçu ce film comme une sorte de boléro, la variation des thèmes, leurs trames allant de plus en plus loin, créant des changemeents d'humeur qui passent par toute une gamme d'émotions... la misère du monde, le premier amour, l'extase."
L'acteur Daniel Brühl évoque le moment du tournage qui l'a le plus marqué : "Le tournage dans l'appartement des Scheller. Jusque-là, nous étions dans une ambiance plutôt festive et détendue. Mais dès que nous avons mis le pied dans cet appartement, nous avons changé. J'ai même dit à August qu'à partir de là, il fallait vraiment être sérieux et en finir avec la rigolade... Il y avait une ambiance mortifère dans cet endroit. Nous devenions hyper-sensibles. Je me souviendrai toujours de la scène où j'observe Elli par la fenêtre; puis je me retourne... pour voir August assis là avec son vêtement noir, son visage si pâle et cette folie dans le regard. C'était un de ces rares moments où soudainement, on a l'impression que ce qui se passe est réel."