L'idée de s'engager dans un tel projet est venue au réalisateur Anders Ronnow-Klarlund alors qu'il se trouvait "en plein vol, dans un avion à des milliers de mètres d'altitude. Un écran diffusait une publicité où les personnages étaient des marionnettes, et le réalisme de leur expression m'a profondément troublé. Je me suis demandé à quoi le monde aurait bien pu ressembler si j'étais une marionnette ? (...) Très vite, l'idée d'un univers peuplé de marionnettes dont les fils montent au ciel, tous liés les uns aux autres, a commencé à prendre forme".
"En Europe de l'Est", explique le réalisateur, "il persiste une tradition qui consiste à transmettre des récits politiques par le biais du théâtre de marionnettes lorsqu'on veut critiquer le système. Nous avons transféré une réalité politique contemporaine dans le monde fantastique des marionnettes et nous avons fait jouer à nos personnages principaux un drame politique. (...) La particularité du film est que tous les personnages ont conscience d'être des marionnettes et que les fils font partie intégrante de leur rapport à la vie et de la structure narrative du film".
Lorsqu'ils ont écrit le scénario, Anders Ronnow-Klarlund et Naja Marie Aidt, célèbre auteur danois, en sont rapidement venus à se demander comment insuffler la vie à des êtres de bois et, surtout, comment il était possible qu'on la leur ôte. "De là est venue l'idée du fil qui donne la vie et qui en se sectionnant en un point central peut nous en priver, ce qui somme toute n'est pas très éloigné de notre réalité biologique".
La production du Fil de la vie s'étala sur quatre ans, nécessita l'utilisation de 115 marionnettes dirigées par 22 des plus grands marionnettistes d'Europe et d'Outre-Atlantique, et la mobilisation d'une équipe scandinave de plus de 150 personnes, sans compter les 10 kilomètres de fils... Avant de produire le film, l'équipe enregistra quatre pilotes et fabriqua plusieurs prototypes de marionnettes, sachant qu'il fallait privilégier l'aisance de leurs évolutions devant la caméra alors qu'elles étaient contrôlées à l'aide de fils pouvant mesurer jusqu'à cinq mètres. Parfois, jusqu'à cinq marionnetistes devaient s'employer à manipuler le pantin de bois.
Anders Ronnow-Klarlund affirme voir Le Fil de la vie comme "un conte, où l'homme est son pire ennemi. En tant que danois j'ai été bercé par les contes d'Andersen. (...) Le conte nous propose d'aborder notre monde, notre éthique ou notre manque de moralité et nous permet de raconter quelque chose sur notre époque d'une façon totalement libre".
Plusieurs difficultés, principalement celles qui consistaient à tourner des scènes sous la pluie ou dans l'obscurité, ont rendu le tournage assez délicat. S'ajoutaient à cela la neige, les tempêtes de sable, le feu et l'ensemble des éléments naturels. "Mais le véritable problème a été le temps", selon Anders Ronnow-Klarlund. "Finir dans les délais impartis, ce n'était tout simplement pas possible. Les marionnettes se cassaient, chaque prise de vues impliquait des effets spéciaux, on était toujours dépendant de la pluie, de la neige, du sable ou du feu...". Au total, 23 semaines furent nécessaires pour mettre le film en boîte.
Il a fallu deux ans pour réunir une équipe autour de Bernd Ogodnik, le "grand maître" des marionnettes, lequel a développé de nouvelles techniques pour que ses créatures puissent courir, marcher, ou encore se battre à l'épée. Son travail a ainsi donné naissance à un nouveau type de marionnette aux mouvements plus réalistes, élaboré en collaboration avec Joakim Zacho Weylandt, maquettiste et collaborateur de Thomas Vinterberg et Lars von Trier, qui fut chargé de former et mener l'équipe de création de marionnettes.
Pour créer l'univers visuel du film, Anders Ronnow-Klarlund confesse s'être largement inspiré des tableaux du peintre anglais William Turner. "Nous savions qu'il fallait créer un univers plus impressionniste que réaliste (...), des images et une ambiance capables de stimuler l'imaginaire du spectateur".
Les personnages du film semblent tous avoir conscience qu'ils sont des marionnettes. "De même que nous sommes conscients de notre statut d'humains", précise le réalisateur, qui se réfère une nouvelle fois à Hans Christian Andersen, chez qui "les animaux savent toujours qu'ils sont des animaux".
"C'est la seule manière que l'on ait pour raconter des histoires en prises avec le réel. Imaginez à quel point Donald Duck serait passionnant s'il découvrait qu'il était un canard".