Morasseix a été présenté en 2004 à la Mostra de Venise, dans le cadre de la section "Giornate degli autori" ("Venice days"), dédiée aux jeunes talents et à l'innovation.
Réalisé en 1992, soit huit ans avant Le Souffle, le film qui l'a révélé, Morasseix est le premier long-métrage de Damien Odoul. Diffusé à la télévision, il sort en salles en 2004, dans une nouvelle version. Le cinéaste se souvient : "C'est un film de jeunesse où j'essayais des trucs, des esquisses (...) J'aimerais que le spectateur puisse le voir avec un regard d'enfant. Ce premier film a une espèce de "bâtardise" que je trouve touchante. Je n'avais que 23 ans lorsque je l'ai fait. C'est un film dont je suis sorti décomposé, fracturé. J'ai interprété César, le personnage principal, ce qui était très compliqué car j'étais à la fois derrière et devant la caméra. Il m'a fallu plus de dix ans avant d'être capable de le revoir."
"J'avais envie de raconter un drame mais je n'y arrivais pas. A chaque fois, je retrouvais des situations qui pouvaient prêter à rire. D'avoir côtoyé des personnages comme ceux que j'ai rencontrés à l'époque, ça donne un sens au burlesque. Et puis, il y a mon inclination personnelle, mon amour de Stanley Laurel, de Keaton et de Harpo Marx. Ce qui me fait rire, c'est l'albsurde et le décalé. En raison de ce décalage tragi-burlesque, Morasseix est un film qui lutte continuellement contre le drame qu'il instaure... Il y a du désespoir, mais c'est un désespoir un peu brouillon, qui n'est pas contre la vie, qui n'est pas résigné, c'est un désespoir tonique, rageur, plein d'insolence et de promesse malgré tout..."
Morasseix est le premier volet de ce que Damien Odoul nomme une "trilogie du double", et qui se poursuit avec Le Souffle et Errance. Le César de Morasseix, celui d'Errance (âgé de cinq ans) et David, le héros adolescent du Souffle, peuvent être vus, selon le cinéaste, comme un seul et même personnage, à des âges différents.
Damien Odoul donne quelques précisions sur César, héros du film : "[Il] est là pour semer le désordre. Il se situe dans la veine des anarchistes. Il rejette le fonctionnement clanique, il n'a pas de papiers, il se moque de la loi. Il est le seul à ne pas travailler, il détourne tout. L'affection qu'il porte aux autres se retourne tout de suite en répulsion. Sa personnalité autodestructrice fait de lui un être tiraillé et cyclothymique (...) Son errance à l'intérieur du film est liée au fait qu'il ne veut pas appartenir à ce monde-là mais, paradoxalement, il ne sait pas où aller." Il ajoute : "Quand j'étais jeune, je me sentais très proche de ces "étoiles filantes", de ces figures d'anarchistes qui se sont tous brûlés. A l'époque, je lisais Artaud, Rimbaud et Villon..."
Damien Odoul, qui joue le rôle principal du film, a fait appel à des comédiens non-professionnels, mais aussi à une actrice qui fit carrière dans les années 50 : Dora Doll. Née en Allemagne, et apparue pour la première fois à l'écran (mais non créditée au générique) dans Entree des artistes en 1938, elle a tourné depuis dans une centaine de longs-métrages, parmi lesquels Touchez pas au grisbi et French Cancan.
Selon Damien Odoul, Morasseix est aussi un témoignage sur une époque révolue : "Quelquefois, certains personnages parlent en patois, dialecte que l'on employait encore il y a plus de dix ans. Avec le recul, je me rends compte qu'il y a vraiment une langue dans ce film. A l'époque, on parlait davantage par métaphores, les expressions étant plus imagées. Morasseix, c'est le regard sur un monde qui est en train de disparaître. Dans les campagnes aujourd'hui, il ne reste pratiquement plus de types comme ceux du film. La nouvelle génération est beaucoup plus lisse. D'ailleurs, on ne dit plus "paysan", mais "agriculteur"."
Co-auteur de Morasseix, Antoine Lacomblez, scénariste pour Arcady ou Diane Kurys, est également écrivain, et il joue la comédie dans plusieurs films de Damien Odoul.