Il Dono est le premier long-métrage réalisé par Michelangelo Frammartino, qui, après des études d'architecture, signa plusieurs courts-métrages et installations vidéo. Le film, qui a fait le tour des festivals, de Locarno à Rotterdam, a notamment décroché le Grand Prix au Festival du film italien d'Annecy en 2003 et a été primé à Thessalonique et Belfort.
"Je voulais que l'histoire de ce village soit racontée uniquement par la caméra. C'était important qu'il n'y ait aucun artifice : ni technique, ni linguistique, ni métaphorique, ni dramaturgique. Je n'ai pas demandé aux "acteurs" du film d'interpréter un rôle, mais simplement de marcher, pédaler, se raser, piocher, attendre ; en fait de reproduire devant la caméra les gestes qu'ils accomplissaient lorsque je les ai rencontrés pour la première fois, lors de mes voyages, à la recherche d'une histoire qu'il voulait bien se faire raconter (...) La caméra se limite à l'extériorité. Cela me semblait le mode le plus respectueux de raconter le naufrage d'un village qui comptait 15000 habitants il y a cinquante ans et aujourd'hui n'en abrite que quelques centaines (...) Ce qui m'intéresse, ce sont ces vies, ici, maintenant."
Il Dono, film minimaliste, a été tourné en 16 mm pour un coût total de 5000 euros. "Ce n'est pas parce que nous possédions cette somme que nous avons réalisé le film, c'est le budget qu'il fallait au film pour venir au monde", souligne Frammartino.
"Une seule histoire ne peut raconter une vie entière jalonnée d'événements, rarement liés par un rapport de cause à effet, et souvent inexplicables. Le film offre des histoires. C'est le spectateur qui doit reconstituer l'histoire. Le film propose des parcours, prépare le terrain pour des histoires à venir. Il n'y a pas de dessein précis, de buts préconçus. Il dono ne s'inspire pas de la narration linéaire occidentale, mais évoque l'aspect mystérieux de la vie indéchiffrable, inracontable. Je n'impose pas de narration. En acceptant l'impossibilité de tout expliquer, je laisse au spectateur la possibilité de retrouver le fil rouge, d'élaborer son interprétation, une des mille possibles, en sautant dans l'inconnu, en prenant des risques, en formulant des hypothèses qui pourront ensuite être démenties ou confirmées."
Le cinéaste explique pourquoi il a choisi d'intituler son film Il Dono (Le Don en français) : "Le titre du film est un hommage à Derrida et à son concept du don : pour qu'un don soit possible, il faut qu'il soit impossible, c'est-à-dire non gratifiant, non intéressé, non dit. Si ces conditions ne sont pas réunies, c'est un échange, pas un don. Un don doit être oublié pour ne pas entrer dans le système de l'échange, du débit/crédit, pour garder sa nature. Quand le vieillard offre la vespa à la jeune fille, elle voudrait lui offrir son corps en échange ; mais pour lui, c'est un don, et elle pourra remplacer enfin son vélo."
Pour tourner ce film, Michelangelo Frammartino est retourné en Calabre, à Caulonia, le village de son enfance. D'autre part, c'est son grand-père Angelo qui joue le rôle du vieil homme.