Avant de signer ce film, Katsushito Ishii était principalement connu à l’Ouest pour avoir signé la mémorable séquence animée de ‘Kill Bill’. Ce n’est pourtant pas un déluge de violence qu’il propose ici, bien au contraire, mais une tendre chronique rurale, qui témoigne de la solidarité entre membres d’une même famille, tous pris dans leurs petits problèmes personnels, comme la mère qui souhaite reprendre une carrière de mangaka ou le fils qui se perfectionne au jeu de go pour déclarer sa flamme à la Nouvelle de l’école. On n’est jamais loin de Hirokazu Kore-Eda ou même de Wes Anderson, d’autant plus que ces petites histoires entrecroisées répondent à une logique à la beauté toute simple : petits ou grands défis personnels, il s’agit d’aller jusqu’au bout de ce qu’on entreprend, et d’être fier de ce qu’on a accompli quelle qu’en soit l’issue. La caractérisation excessive de certains personnages, comme le grand-père survolté et expressionniste, permet au film de baigner dans un climat de folie douce qui fait mouche mais il faut aussi rendre hommage aux audaces formelles du réalisateur, qui brise la barrière entre cinéma traditionnel et animation (une limite dont de nombreux réalisateurs et spectateurs japonais ne valident même pas l’existence) et qui constituent sans doute la raison primordiale pour laquelle ceux qui ont vu ‘The taste of tea’ à l’époque en ont conservé un souvenir un peu incrédule : un train qui traverse le cerveau de l’ado éploré en emmenant l’élue de son coeur au loin, un spectre de yakuza qui stalke l’oncle Haruno depuis que ce dernier a involontairement chié sur le crâne de son cadavre mal enterré, une petite fille suivie par une réplique géante d’elle-même et qui ne pourra lever la malédiction que lorsqu’elle aura fait un tour complet de barre parallèle,...Katsuhito Ishii n’éprouve aucune hésitation à illustrer toutes ces idées tordues à l’écran, avec des moyens certes limités…mais après tout, ceux du Monty Python Flying Circus l’étaient aussi !