Terry Gilliam déclare à propos de Tideland : "C'est la rencontre de Alice au pays des merveilles et de Psychose. C'est l'histoire d'une enfant qui se construit comme elle peut en dépit d'une grande souffrance. C'est une fable de survie dans des circonstances plutôt étranges."
A l'origine, Tideland est un roman écrit par Mitch Cullin. Ce dernier a fait parvenir son oeuvre à Terry Gilliam dans l'espoir qu'il accepte d'écrire un commentaire sur la jaquette. L'écrivain explique ce choix : "Terry Gilliam occupe une place à part, il est lié à l'imaginaire de tellement de gens ! Je lui ai écrit comme un fan, en espérant que l'idole qu'il est pour moi accepterait de se pencher sur mon livre, y trouverait peut-être de l'intérêt et pourrait en dire quelque chose de gentil." C'est en 2001, alors que l'édition anglaise du roman était en cours de préparation, que Terry Gilliam a contacté l'auteur, qui se souvient : "Je me suis dit à ce moment-là que si je voyais, dans une librairie, un livre avec marqué dessus "Foutrement brillant ! - Terry Gilliam", je n'hésiterais pas une seconde et je l'achèterais. Il faut saluer le courage de l'éditeur britannique : c'est exactement cette phrase que nous avons utilisée pour la couverture au Royaume-Uni".
Terry Gilliam a fait appel à Tony Grisoni, avec lequel il a déjà collaboré pour Las Vegas parano ou Les Frères Grimm, pour adapter Tideland sur grand écran. Ce dernier a tenu à ce que le romancier soit présent durant l'écriture du scénario : "Il était tout simplement impossible d'adapter ce livre sans l'apport de Mitch Cullin, parce que c'est une histoire et un univers qui forment un tout cohérent et vrai."
Pas évident pour Terry Gilliam de trouver la perle rare qui pourrait interprêter le rôle principal de Jeliza-Rose. Un casting réunissant actrices professionnelles et amatrices a alors été organisé. Le réalisateur était inquiet quant au choix de la jeune actrice : "Il fallait une petite fille qui ait vraiment une âme, et j'ai cru pendant un certain temps qu'on ne la trouverait pas. J'ai même pensé que nous serions obligés de chercher dans les journaux des histoires de familles tuées dans des accidents et dont seule une petite fille aurait survécu, ou bien d'aller chercher dans des orphelinats au Canada..."
C'est en s'inspirant des toiles d'Andrew Wyeth, peintre réaliste américain du 20ème siècle, que Terry Gilliam et Nicola Pecorini, le directeur de la photographie, ont décidé de créer l'univers visuel de Tideland. C'est essentiellement, le célèbre tableau Le Monde de Christina (1948), représentant une femme à terre qui semble ramper vers une ferme au loin, qui a inspiré le réalisateur.
Afin de créer l'univers de Tideland, Terry Gilliam s'est entouré de la décoratrice Jasna Stefanovic. Elle a apporté sa touche personnelle et a permis au film d'exprimer de multiples sentiments. Le réalisateur explique : "(...) Je voulais que l'on ait un sentiment d'agoraphobie à l'extérieur mais qu'à l'intérieur tout soit sombre, un peu déformé, avec une impression de désordre, de claustrophobie, d'étouffement. Ces deux mondes entrent en conflit dans le film." Cependant, l'ex-Monthy Python ne voulait pas utiliser des effets spéciaux dernière génération pour représenter ce monde fantastique dans lequel évolue Jeliza-Rose : "(...) il désirait des images simples et naïves, comme imaginées par un enfant."
C'est au Saskatchewan en plein coeur du Canada que l'équipe de Tideland a décidé de tourner le film. Jeremy Thomas explique ce choix : "Nous cherchions un endroit qui puisse ressembler au Texas et donner une impression d'isolement total. Nous avons trouvé le lieu idéal dans la Qu'Appelle Valley, à une heure de Regina. Les maisons et les lieux semblaient tout droit sortis du roman, surtout la maison de Dell et le corps de la ferme de Noah."
Le producteur de Tideland, Jeremy Thomas explique que les financements n'ont pas été évident à trouver : "(...) il s'agissait d'un film inhabituel, quelque chose que personne n'avait encore jamais vu. Mais j'étais convaincu qu'il [le film] pouvait franchir toutes les barrières et plaire à un large public. Il mêle quelques-uns des thèmes que le public aime voir au cinéma. L'histoire d'une enfant qui souffre est universelle."
Malgré le climat plutôt dur du Canada et l'isolement de l'équipe dans un petit village, c'est surtout la prestation de Jodelle Ferland qui a marqué tout le monde, comme le précise Jeremy Thomas : "Plus le tournage avançais, et plus Jodelle nous impressionnait. Elle comprenait parfaitement des concepts bien au-delà de son âge. J'aimerais bien que tous les acteurs adultes soient aussi concentrés et posés qu'elle ! Quand on la voyait jouer sous la direction de Terry, on se rendait compte qu'elle modulait son interprétation comme une actrice professionnelle, et non comme une enfant. Elle a été un cadeau pour nous tous."
Après 56 jours de tournage, Terry Gilliam met la touche finale à Tideland : "Avec ce film, mon enjeu était de retrouver mon enthousiasme de cinéaste. J'espère que les spectateurs seront surpris, déroutés, séduits et émus. Si nous avons bien travaillé, il y aura des rires, de l'émotion, et peut-être les gens en sortant verront-ils le monde et les autres un peu différemment..."