Nobody knows a été présenté en sélection officielle, en compétition, au Festival de Cannes en 2004. Il en est reparti auréolé du Prix d'interprétation masculine, décerné à Yagira Yuya, qui joue le rôle de l'aîné des enfants. A 14 ans, c'est le plus jeune comédien récompensé sur la Croisette. Toutefois, Yagira Yuya, contraint de rentrer au Japon pour y passer des examens, n'a pu venir chercher son prix le soir de la cérémonie. "Ses examens se sont mal passés, mais il espère qu'avec ce prix, le professeur sera plus compréhensif et indulgent avec lui..." a déclaré avec humour Kore-Eda Hirokazu, venu récupérer le trophée. Le jury cannois était présidé par Quentin Tarantino.
Comme pour son précédent film, Distance -présenté à Cannes en 2001-, dont le point de départ est le massacre d'une secte, le cinéaste s'est inspiré d'un fait divers, connu sous le nom de "l'affaire des quatre enfants abandonnés de Nishi-Sugamo", qui avait marqué le Japon en 1988. "Ce fait divers a suscité en moi diverses questions. la vie de ces enfants ne pouvait pas être que négative. Il devait y avoir une richesse autre que matérielle, basée sur des moments de complicité, de joie, de tristesse et d'espoir. Je ne voulais donc pas montrer "l'enfer" vu de l'extérieur, mais "la richesse" de leur vie, vue de l'intérieur."
Kore-Eda Hirokazu n'a pas fait lire de scénario aux enfants, et a fait peu de répétitions, adaptant certaines situations à la personnalité des comédiens (notamment pour le choix des aliments lors des scènes de repas). Le tournage s'est déroulé dans l'ordre chronologique, de l'automne 2002 à l'été 2003, afin de rendre compte des changements de saisons, et de suivre l'évolution physique et psychologique des jeunes comédiens. Les scènes ont été montées au fur et à mesure du tournage.
Kore-Eda Hirokazu explique comment il a choisi le jeune acteur qui tient le rôle principal : "J'ai été frappé par le regard perçant de Yagira Yuya. Au cours de cette année de tournage, Yuya a beaucoup grandi et sa voix a mué. Au début, il était timide, alors qu'à la fin du tournage, c'est lui qui menait le groupe. C'est en partie un hasard si Yagira Yuya s'est développé dans la vie réelle comme son personnage qui passe de l'enfance à l'âge adulte. Le cinéma, c'est de la fiction, mais c'est aussi un bout de pellicule sur lequel est fixé un morceau de ma vie et de sa vie."
Dans Nobody knows, Kore-Eda Hirokazu évoque un problème de société, celui des enfants livrés à eux-mêmes : "D'après les statistiques du Ministère de l'Education nationale, le nombre d'enfants entre 7 et 14 ans au domicile inconnu est passé de 533 en 1987 à 302 en 2000 mais ces chiffres ne concernent que les enfants dont la naissance a été déclarée", révèle le cinéaste. "Et si l'on tient compte du fait que la natalité a baissé, on peut supposer qu'il y a aujourd'hui plus d'enfants qui vivent clandestinement, comme c'est le cas d'Akira et de ses frères et soeurs. Cette affaire n'est donc pas un cas isolé propre à Tokyo, mais un problème de société qui nous concerne. Le protagoniste du film ne représente pas le jeune garçon de ce fait divers de 1988, mais un enfant comme il en existe des milliers aujourd'hui parmi nous, sans qu'on le sache."
Lors de la conférence de presse du Festival de Cannes, Kore-Eda Hirokazu expliquait pourquoi il avait choisi de confier le rôle de la mère à You, une vedette de la télévision au Japon, dont c'est la première expérience cinématographique : "Je voulais que la mère apparaisse comme quelqu'un d'humain. Si les spectateurs sortaient de la salle en se disant que c'est une personne odieuse, j'aurais le sentiment d'avoir échoué. Je voulais qu'on puisse la comprendre. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi You, qui dégage une grande humanité." Sur le tournage, You s'est montrée très à l'aise avec les enfants, si bien que le cinéaste l'a impliquée dans la direction d'acteurs, et parle d'elle aujourd'hui comme d'un "deuxième metteur en scène".
Pour l'image, Kore-Eda Hirokazu a de nouveau fait appel à Yutaka Yamazaki, chef-opérateur sur ses deux précédents longs-métrages, After Life et Distance. Ce directeur de la photographie a également été remarqué pour son travail sur Shara, un autre singulier portrait de famille, présenté à Cannes en 2003 et réalisé par Naomi Kawase, cinéaste venue, comme Hirokazu, du documentaire.
Jewel, la chanson qu'on entend pendant le générique de fin, est interprétée par la chanteuse Tate Takako, qui joue dans le film le rôle de la caissière de la supérette.