Il y a cette passion amoureuse et aveuglante de bonheur, suivie de la perte dévastatrice menant à une quête infinie. Il y a la ville, ses lumières et son euphorie, et il y a la jungle accompagnée de son mystère et de son ambiance mystique. Sur ces conceptions différentes qui subitement s'assemblent, *Tropical Malady* en serait le diptyque croisant les forces et les mondes, et offrant ainsi à son spectateur un voyage poétique et sans retour où même une fois l'écran éteint, les bruits singuliers de cette masse végétale continueront à raisonner dans les oreilles du spectateur abasourdis. Le cinéma d'Apichatpong Weerasethakul se perçoit comme un voyage initiatique regroupant des odyssées aux échos similaires qui rendent la jungle vivante et envoûtante. Des chemins où réalité et spiritualité se confondent, et où le passé et le présent ne font plus qu'un. De ce labyrinthe sauvage et inclassable de beauté, il ne reste uniquement que l'homme et ses sentiments. Les mots, les regards et une certaine forme de passion résistent dans ce tourbillon spirituel et rentrent ainsi dans l'universalité la plus vaste et la plus somptueuse. *Tropical Malady*, c'est cette jeune histoire d'amour entre Keng et Tong. Keng est un jeune soldat, tandis que Tong, analphabète et vivant à la campagne, survit de petit boulot à l’intérieur d'une zone urbaine urbaine vivante, mais peut-être malade. Alors que le couple apprend de plus en plus à s'aimer et laissant ainsi timidité et pudeur de coté, Tong disparaît soudainement dans la jungle massive et discrètement mouvementée. Keng décide alors de partir à sa recherche, entrant ainsi au cœur de cet autre monde où la nature et les humains se morfondent et où les esprits déambulent dans une harmonie et un mystère vertigineux.
Deux histoires, deux chapitres à travers lesquels résonne le son mystique de la Thaïlande dans son état naturellement sauvage et attirant. S’additionnent-t'ils ou sont t'ils indépendants ? Dans les deux cas, ces êtres s'attirent et se repoussent, se comprennent et se questionnent, pour enfin finir sur un moment de passion intime tel une conclusion du désir simple découlant vers l'amour, le vrai. Difficile d’appréhender cette oeuvre d'Apichatpong Weerasethakul tant sa masse scénaristique et à l'image du milieu dans lequel évolue Tong et Keng : la jungle indiscernable et labyrinthique, mais profondément belle. *Tropical Malady* réfléchi sur un pays et une culture. Il porte sur son dos luxuriant un regard étonné et peut-être pessimiste sur la figure du soldat, tel un juge amateur de qui doit mourir ou non. Un homme répondant aux ordres d'une idéologies douteuses et laissant la partie élégante de son âme sombrer au profit de la bêtise. *Tropical Malady* le confronte ainsi aux vieilles histoires surnaturelles, le menant ainsi vers un reconditionnement de son existence. Apichatpong Weerasethakul se permet aussi d'ouvrir les fenêtres du long-métrage pour contempler ces œuvres à venir en évoquant ainsi, le long d'une discussion entre Kong et Teng, l'histoire mystérieuse d'un oncle qui aurait connaissance à travers ces mémoires de ces vies antérieurs. *Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures*, qui sortira 6 ans après, commence à prendre forme. **Le cinéma d'Apichatpong Weerasethakul s'articulent comme un grand arbre se faisant échos grâce aux nombreuses branches, à l'intérieur des récits comme entre les récits eux-mêmes. Son cinéma ouvre les pensées vers un ailleurs inconnu, peut-être inquiétant, mais qui se suit avec passion et curiosité. La jungle est peut-être le seul endroit au monde où réside encore une part d'imagination et de spiritualité. Un endroit vaste, qui de sa grandeur permet de difformer le temps et les raisons. Un endroit que l'homme ne peut conquérir, laissant ainsi la place aux bêtes sauvages et aux légendes fantaisistes, qui à eux-seuls renferment la beauté et la réponse à la vie.**