Le premier Infernal Affairs était fantastique : coup de poing en pleine face, c'était un drame incroyable, une histoire tragique d'une amitié qui aurait pu être possible s'il n'y avait pas eu de fossé social. Entre flic infiltré chez les mafieux et mafieux infiltré chez les flics, deux mondes séparaient deux acteurs principaux épatants, attachants, simplement touchants.
Y donner suite était un risque à prendre pour élargir encore l'univers de Lau et Mak; reprendre les origines du premier film, soit ce qu'il abordait en dix minutes montre en main (le temps du générique), avait de quoi inquiéter. Surtout que cela signifiait supprimer du casting Andy Lau et Tony Leung Chiu-Wai, pour beaucoup, il faut le dire, dans le succès de l'entreprise. Au moins auront-ils repris les interprètes jeunes adultes de Lau Kin-Ming et Chan Wing-Yan, respectivement interprétés par Edison Chen en jeune Andy Lau, et Shwan Yue en Tony Leung en devenir.
Si l'on reconnaît au départ le second par son blouson noir (qu'on ne pouvait imaginer vieux de dix ans dans le premier film), il est vrai qu'on aura du mal à discerner Edison Chen parmi tous les autres personnages importants dans l'intrigue, notamment parce qu'il se balade de milieu en milieu, commençant comme tueur, puis comme flic, pour retourner voir la compagne d'un mafieux de pacotille, qu'on reconnaît astucieusement dès la première scène.
Sorte de passerelle avec le premier film, cette séquence d'introduction semble servir à nous placer en terrain connu : commissaire et mafieux reviennent, toujours interprétés par les charismatiques Anthony Wong Chau-Sang et Eric Tsang, rajeunis pour l'occasion pour les voir ressembler, peu à peu, à ce qu'ils étaient dans le film d'origine. On se demande cependant ce qui aura pu les rendre à ce point ennemis dans la suite/premier métrage, tant ils partagent ici une relation pratiquement amicale.
Une évolution physique d'ailleurs trop peu retranscrite chez nos deux personnages principaux, qui ont vraisemblablement changé de visage (soit d'acteur) en l'espace d'un an ou deux. S'ils changent très peu en 6-7 ans, on comprend difficilement comment ils peuvent avoir changé à ce point, comme s'ils passaient soudainement de 22 ans à 35. Si la gestion des personnages et de leur âge aura de quoi décevoir, le reste remplacera rapidement ses défauts, écrasant le spectateur sous un rythme intense et soutenu.
Outre un départ brouillon au niveau de son écriture (n'ayant pas encore tous les éléments de l'intrigue en tête, il est complexe de voir où il voudra en venir avec ces personnages à foison et ces enjeux très (trop?) variés), Infernal Affairs II aura le talent de jouer sur ce que l'on sait certain : les personnages principaux ne pouvant venir, il s'amusera des secondaires et tertiaires essentiels à l'intrigue pour les faire disparaître, souffrir, impacter l'intrigue par leur traitement bien rendu (la scène de la voiture sur le parking est une surprise de taille).
Toujours très bien rythmé, il développera une affaire de famille intéressante, apportant énormément au passé et au développement de ses quatre personnages essentiels, notamment grâce au personnage de Francis Ng, parrain de l'époque, charismatique et touchant, ajoutant des enjeux de trahison familiale à l'infiltré dans la mafia, démontrant toute la difficulté de l'avant Infernal Affairs.
Entre tentatives de meurtre, mise en scène efficace (bien que toujours un poil clipesque), scénario alambiqué et personnages attachants (la relation qu'entretient Edison Chen avec Carina Lau laisse sur un grand drame, pour un dernier plan qui donne un sourire irrépressible), tout cela ajouté à ses acteurs talentueux et son histoire toujours touchante, Infernal Affairs II élargit bien les horizons de l'univers d'Andrew Lau et Alan Mak, gardant surtout l'âme du premier film, sa personnalité visuelle et narrative, sans oublier, bien sûr, ses envolées dramatiques très touchantes (même si la dernière, en règlement de compte final, est gâchée par son pathos trop marqué.
Très sympathique.