«White hunter, black heart» (USA, 1990) de Clint Eastwood se donne pour projet de reconstituer le tournage de «The African Queen» (USA, 1951) de John Huston. En interprétant Huston, Eastwood marque sa filiation envers l’auteur de «The Maltese Falcon». Similaire physiquement, la ressemblance entre Eastwood et Huston se retrouve également dans leur cinéma. Tous deux cultivent l’ambigüité de leurs personnages et mâtinent leur intrigue d’humour. Cela admis, il faut comprendre que «Gran Torino» ne rend pas tant un hommage à Siegel qu’à Huston. «White hunter…» se situe lors de la préparation qui a précédé le premier tour de manivelle. Il faut être une Katharine Hepburn vieillissante pour reprocher au film de ne pas suivre l’exacte vérité. En changeant les noms, en entremêlant des situations qui appartiennent autant au tournage d’«African Queen» que de «The Roots of Heaven», Eastwood s’affranchit de l’exact vérité sur Huston et aspire clairement à saisir le caractère complexe du réalisateur. Lorsque son scénariste vient lui avouer ses quatre vérités, sur le perron de la maison africaine, le visage d’Eastwood, à demi-plongé dans l’ombre, porte en lui toute l’ambivalence du caractère d’Huston. Entre les lignes, s’esquisse en creux le portrait d’Huston. Homme d’équipe, capable d’humanité et de compassion («The Asphalt Jungle» en témoigne très bien), Huston était aussi soupçonné d’être «fou» (on le lui rétorque souvent dans le film) et «égoïste». Eastwood met en scène l’histoire d’un homme obsédé, harassé par une idée fixe. Thème récurrent chez Eastwood, le dépassement de soi, l’élévation de sa condition à un degré plus noble, atteint des niveaux proche de la démence à travers la personne de John Wilson. In fine, tout le film ne tourne qu’autour de cette monomanie. Une fois son désir échoué, Wilson peut s’en retourner vers son tournage, vers l’Hollywood irréductible qu’il s’était surpris à défendre auparavant.