Avant juillet 2010, Tony Gatlif ne savait pas encore qu'il allait réaliser Indignatos. Un événement politique - le discours de Grenoble du président Nicolas Sarkozy - l'a décidé à reprendre sa caméra avec l'intention de tourner un film engagé : "Quand le pouvoir a voulu stigmatiser les roms. J’avais honte, honte pour eux. Une colère m’envahissait à mesure que j’expliquais pourquoi il me semblait que les Tsiganes avaient assez souffert comme ça. Et ça n’a pas traîné : au moins une douzaine de véritables pogroms ont eu lieu un peu partout dans le pays, des camps ont été incendiés (...). Des Tsiganes ont été délogés par la force et certains sont allés se réfugier place de la Bastille. Je ne savais plus quoi faire, à part faire un nouveau film… un film engagé", déclare le metteur en scène.
Indignados, en plus de proposer un portrait de l'Europe des Indignés, met en scène une jeune fille africaine qui a émigré, et qui sert d'observatrice à Tony Gatlif : "Il était nécessaire pour moi de prendre le point de vue d’une immigrée clandestine qui regroupe l’ensemble des indésirables en Europe. Cette Africaine qui vient par la mer, telle un fantôme, me semble être le symbole de tous les rejetés, de tous ceux dont l’Europe ne veut pas, tous les sans-papiers, tous ces gens qui rêvent de l’Europe en pensant qu’elle va les protéger."
Les deux compositeurs d'Indignados, Delphine Mantoulet et Valentin Dahmani, ont dû... s'adapter aux bruits ambiants des scènes filmées par Tony Gatlif. Le réalisateur revient sur l'orientation musicale qu'il souhaitait donner à son film : "La musique de certains plans, quand on prenait les sons en direct, avait ses propres percussions et parfois ses propres mélodies. Par exemple une canette abandonnée dans une avenue s'est mise à bouger dans le vent et à descendre la pente en faisant un bruit de percussion ternaire. Je leur demandais de partir de ce son et de faire la musique de solitude de la séquence, de suivre son rythme."
Si Indignados n'est pas une adaptation au sens propre d'"Indignez-vous" de Stéphane Hessel (le documentaire est "librement inspiré" du livre), Tony Gatlif a tout de même tenu à acheter les droits de l'ouvrage et estime que son documentaire en est "un peu la suite".
Dans un plan du documentaire Indignados, Tony Gatlif filme des milliers d'oranges dévalant les escaliers et les rues d'une ville. Pour le réalisateur, il s'agit de symboliser les oranges de Mohamed Bouazizi, le vendeur ambulant de Sidi Bouzid, qui s'est immolé par le feu en décembre 2010. Son suicide a été l'élément déclencheur de la révolution en Tunisie.
Le documentaire Indignados a été sélectionné dans la cadre de la section Panorama du Festival international du film de Berlin (édition 2012). La dernière œuvre de Tony Gatlif a même été présentée en ouverture de cette sélection.