je me présentais devant le charismatique Viggo pour le suivre sur les traces du crépuscule espagnol. Voilà plusieurs décennies que le Royaume s'impose en Europe à coup de Tercios et d'Or des Amériques mais, déjà, entre-il dans la crise et les ténèbres. Alatriste est un homme, un soldat, de très haute facture, qui loue ses services avec ses compagnons. Il aime les femmes, une surtout, il est dur au mal, fier, ombrageux, fidèle, imparfait, perdu et décalé.
Le film repose à la fois sur un tableau assez juste d'une Espagne tiraillée entre une société pauvre et une noblesse opulente qui vit dans son propre monde. La cour est corrompue, minée de complots et de trahisons et les tueurs et autres fines lames traversent le film avec quelques fulgurances bienvenues. Imparfait, parfois un peu lourd, ce film bénéficie d'une approche très classique mais de bons moyens. Un assaut de navire, une bataille finale avec de vrais figurants et, chose ô combien rare à l'écran, un véritable "Tercios", de bonne séquences de duels à l'épée, certains moments intimistes assez réussis et, surtout, une scène introductive foutrement bien foutue m'ont fait passé un bon moment de cinéma.
Loin d'être un chef d'oeuvre ce film n'est pas la grosse daube que je peux lire ici et là. Le film manque de souffle épique, mais c'est justement une assez bonne chose. Le clacissisme littéraire du personnage colle assez bien avec cette copie propre. J'ai aimé croiser cette production au milieu du flot de furieux de film à grand spectacle dont le scénario repose sur un simple concours de fracassage à coups de grandes explosions. Ce Capitaine Alatriste est presque un non sens au regard des productions actuelles, un anachronisme qui va bien à Viggo Mortersen, solaire, fascinant, personnage perdu dans ses codes décalés, dans un monde qui change et va trop vite pour lui. Son intrigue complexe peut aussi rebuter, mais elle met en avant des situations bien réalistes d'usages, de trahisons politiques et de lignages. Il n'y a point de sexe gratuit à la Game of Thrones et cette période, largement sous représentée au cinéma, prend ici une saveur très intéressante. Formellement l'esthétique est plutôt travaillée et l'atmosphère transpire la peinture flamande du XVIIè. Enfin, faut-il le répéter, un Tercios au cinéma, ce n'est pas rare, ça n'existe pas à ce niveau. Mais qu'est-ce qu'un Tercios ? La curiosité est aussi une qualité, cher lecteur.
Une découverte largement moins mauvaise qu'on peut le dire, pas nécessairement aisée mais il n'est pas interdit de changer de braquet, parfois. Un argument de plus ? Il s'est fait déglinguer par les Inrocks ; je suis donc un gage de mauvais goût tout à fait assumé.