Film à tout petit budget (218, 32 dollars !), Tarnation a été très remarqué au Festival de Sundance en 2003, puis, l'année suivante, à Cannes, où il a été projeté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs. Il a également décroché le Grand Prix du Festival de Los Angeles.
Séduit par une première version de ce film très original, Gus Van Sant, le pape de l'underground américain, est devenu l'un des producteurs exécutifs de Tarnation. Il qualifie le film de documentaire autobiographique brillant et ravageur". De son côté, Caouette admirait le cinéaste de Portland depuis My Own Private Idaho (1992). C'est John Cameron Mitchell, réalisateur de la comédie musicale déjantée Hedwig And The Angry Inch (et lui aussi producteur exécutif de Tarnation) et Stephen Winter (producteur du film) qui ont montré Tarnation à Van Sant.
Jonathan Caouette donne des précisions sur le contenu de Tarnation, objet cinématographique singulier, qui tient à la fois du documentaire, de l'autofiction et du cinéma expérimental : "Tout ce qu'il y a dans Tarnation est vrai. Renée a été diagnostiquée comme souffrant d'un grave désordre maniaco-dépressif et de désordre schizo-affectif. Elle est une rescapée des institutions psychiatriques, parfois primitives, du Texas des années 60. Moi, je souffre de troubles dissociatifs que l'on définit comme la perte d'un sens de la réalité. Ce désordre ne se soigne pas vraiment. Cette impression de vivre dans un rêve peut être effrayante, mais aussi intense et magnifique. Tarnation est un documentaire, mais c'est aussi un happening, une rencontre." Il ajoute, à propos de la conception de son film : "Je crois que Tarnation est le premier long-métrage à avoir été entièrement post-produit sur le logiciel iMovie d'Apple (montage image, truquages / étalonnage, montage son et mixage)."
Jonathan Caouette confie que le cinéma l'a aidé à surmonter les moments difficiles vécus dans son enfance, en particulier les mauvais traitements subis dans ses familles d'accueil et la maladie de sa mère : "Filmer n'a jamais été seulement pour m'amuser. Cétait un mécanisme de défense. C'était une question de vie ou de mort. Il fallait me défendre contre mon environnement et me dissocier des horreurs qui m'entouraient. Il est certain que le cinéma m'a sauvé la vie. Si je ne devais pas manger ou dormir, je travaillerais sur des films jour et nuit. Dans le métro pour me rendre à Manhattan, mes écouteurs sur les oreilles, je vois, gravées sur chaque visage, des épopées mythologiques."
Cinéphile depuis son plus jeune âge, Caouette se souvient : "J'ai toujours souhaité devenir cinéaste ! Même à 4 ou 5 ans, je filais derrière la maison pour échapper à tous les adultes (...) Il y a eu une période de mon enfance, avant l'invasion du magnétoscope, durant laquelle j'allais au ciné avec mon grand-père et j'enregistrais le son sur des cassettes. A la maison, avec un tas de marqueurs, je dessinais sur un brouillon le film image par image : entres autres The Wiz, L'Exorciste 1 et 2 et Phantasm. J'ai même eu un ciné-club chez mes grands-parents. Quatre rangs de siège et une vraie cabine de projection installés dans notre grenier. Je projetais de grands classiques comme Les 5000 doigts du Dr T. et Phantom of the Paradise dont j'empruntais les copies à la bibliothèque de Houston. Je projetais aussi le catalogue de mes films super-8"
Jonathan Caouette évoque les cinéastes qui l'ont influencé : "Je suis inspiré par le travail Alexandro Jodorowsky, John Cassavetes, Lars von Trier, William Friedkin, Paul Morrissey, John Boorman, David Lynch, Sidney Lumet et tant d'autres ! Je suis un grand collectionneur de films, de musique, et autres folies. Au dernier inventaire, j'avais 1349 films en VHS, Betamax et 16 mm, et 2046 disques et CD."
Film en forme de journal intime, Tarnation témoigne aussi de la passion de Jonathan Caouette pour le rock. Des morceaux d'artistes aussi réputés que Nick Drake, Lisa Germano ou les Cocteau Twins défilent ainsi tout au long du film.