De salarié travaillant dans un hôtel de luxe, "les milles collines", au service de riches clients européens, entre hommes d'affaire et politiques, Paul se découvre, dans le sang immaculé du massacre sans nom, une âme généreuse et altruiste qui lui révèle sa propre identité d'africain, lui dévoilant en même temps l'ampleur du devoir qui lui incombe de sauver de l'horreur ces réfugiés démunis. Du serviteur naïf et aveuglé par l'espoir vain d'une aide occidentale face à la barbarie des tueries à la machette, il se mue en défenseur de la paix, de la vie, de l'amour, désormais chef d'une grande famille unie, quelle que soit l'ethnie, et dont la solidarité rend compte de la puissance d'agir, d'une force inespérée, celle de la fraternité. Ils ne peuvent s'en remettre qu'à eux, isolés tel un îlot trop étroit, grignoté chaque jour un peu plus par cet océan de sang d'où s'échappe les cris sourds des agonisant décapités. Car le monde détourne les yeux de ce spectacle morbide qui se clôt par plus d'un million de victimes. Traumatisme d'une boucherie qui ne dit pas son nom, abandon de la communauté internationale, folie meurtrière des milices interhamwé, décuplée par l'appel à la haine de la propagande radiophonique, désespoir des survivants face au silence, à l'impuissance, mutisme d'une armée nationale corrompue, absence de couverture médiatique et humanitaire, rien n'échappe à l'œil chirurgical et scrutateur d'une caméra sans censure, qui place devant leurs crimes et atrocités des bourreaux honteux. Le soulagement d'un homme dont la famille se recompose loin de la scène de crime, tant bien que mal, avec ses blessures et ses peines, au milieu du soupir d'un pays croulant sous les cadavres, la vengeance et la mort. Tel le destin d'un continent qui, dans la violence et le sang, prend conscience du chemin à parcourir, de l'histoire à (ré)écrire, de la nécessité d'agir...