La scénariste Tiffany Tavernier revient sur l'aventure du tournage, en commençant par évoquer leur plongée dans l'univers de l'adoption : "Cascade d'interviews via internet et téléphone. On découvre le monde stérilité-agrément-procédures. Entre la douleur des uns, la panique des autres, la méfiance, le bonheur, la peur, l'angoisse, on nage dans un magma d'infos hyper chaotiques. Il nous faudra six bons mois pour s'y retrouver. (...) Après une hésitation entre Haïti, le Mali, le Vietnam et le Cambodge, on finit par retenir ce dernier. Pour la moyenne des adoptants une vraie galère : huit semaines sur place, une procédure lourde qui ne cesse de changer, une ambassade française peu coopérative, un flou artistique concernant le montant des sommes à verser, un pays encore exsangue à la suite du génocide commis par les Khmers rouges, des institutions encore très bancales... Bertrand n'a pas besoin d'en entendre plus. Il prend." Le père et sa fille partent alors à Phnom Penh en compagnie du coscénariste -et époux de Tiffany- Dominique Sampiero. Ils y restent 15 jours, le temps d'explorer cet univers de l'adoption au Cambodge."
Initialement, Bertrand Tavernier avait choisi Marie Gillain, son héroïne de L'Appât, pour incarner le rôle féminin principal de Holy Lola. Mais la comédienne, enceinte, dut renoncer. Isabelle Carré a été contactée quelques semaines avant le tournage, alors qu'elle était en pleine répétition pour une pièce de théâtre. La comédienne a choisi d'abandonner ce projet pour se lancer dans Holy lola.
En 2000, Tiffany Tavernier, fille de Bertrand, publie son premier roman, Dans la nuit aussi le ciel, récit d'une adolescente qui part pour Calcutta où elle découvre le milieu humanitaire. Le cinéaste lui fait part de son intention d'adapter ce livre, mais elle se montre sceptique. Après la sortie de Laissez-passer, Tiffany Tavernier suggère à son père de faire un film sur l'adoption, ce qui lui permettrait d'aborder les thèmes présents dans le roman. Ainsi est né le projet Holy Lola.
Pour entourer la nouvelle venue Isabelle Carré, Bertrand Tavernier a fait appel à des comédiens qu'il avait déjà fait tourner : Jacques Gamblin tenait déjà le rôle principal de son précédent film Laissez-passer, Maria Pitarresi était apparue dans La Fille de d'Artagnan, Capitaine Conan et Ca commence aujourd'hui. Frédéric Pierrot figurait au générique de La Vie et rien d'autre, L 627 et Capitaine Conan. Enfn, Holy Lola marque les retrouvailles de Tavernier avec Bruno Putzulu, un acteur qu'il avait révélé dix ans plus tôt dans L'Appât.
Jacques Gamblin évoque le travail avec sa partenaire et avec le metteur en scène : "Chaque jour se sont précisées nos différences avec Isabelle [Carré]", note le comédien."Nous n'avions pas le même rapport à l'expression de notre émotion, au pays, à ce que nous voyions et vivions chaque jour. Nous avons décidé d'en faire une force, de construire le couple autour de ces différences." Il ajoute, à propos de ses rapports avec Bertrand Tavernier : "Avec Bertrand, il faut tout donner, l'approbation comme les rébellions. Il reçoit et entend tout. C'est comme ça que se construisent les personnages de ses films films, c'est là qu'est leur force; Il s'est servi de mes résistances."
Jacques Gamblin revient sur ce tournage hors du commun : "Je ne crois pas que Bertrand Tavernier ait fait un autre film où il ait poussé à ce point cette limite infinitésimale entre réalité et fiction et orienté ainsi ses acteurs vers cet endroit improbable où ils ne savent plus eux-mêmes s'ils jouent ou s'ils ne jouent plus. Faire partie d'un film de Bertrand Tavernier, c'est faire partie du sillon. Nous, acteurs, sommes des passeurs d'une cohérence qu'il construit film après film sur des sujets indispensables. Il bute dans une pierre, la soulève, dessous se trouve une fourmilière. Il nous en fait visiter les galeries et découvrir un monde. C'est plus que d'être acteur."
Isabelle Carré évoque son plus grand souvenir du tournage : "Le moment le plus fort a été pour moi la scène tournée pendant le voyage à Kep avec Pridi Phath jouant le rôle de Monsieur Sokkhom, qui raconte sa fuite des Khmers rouges à travers le pays, avec sa femme encente. Cet homme avait vécu une expérience similaire. Grande leçon de comédie, de dignité, de vie. Nous n'avons pas répété. Il y a avait sur le plateau une densité d'écoute magnifique, un grand silence, beaucoup de respect pour cet homme. Sa façon de s'exprimer, avec toute la concentration, le bouleversement intérieur qu'il devait essayer de ne pas faire sortir de lui, pour garder sa pudeur, tout cela était incroyable.
Cinq ans après Ca commence aujourd'hui, Bertrand Tavernier a de nouveau travaillé, pour le scénario, avec sa fille Tiffany Tavernier et Dominique Sampiero, le compagnon de celle-ci. L'un et l'autre sont écrivains.
Holy Lola marque la septième collaboration de Bertrand Tavernier avec le chef-opérateur Alain Choquart. Celui-ci évoque la préparation de ce nouveau film : "A quelques mois du tournage, nous sommes partis en repérages sans avoir évoqué avec Bertrand un style ou des principes visuels trop définis (...) Nous allios nous laisser guider par la lente découverte de Phnom Penh au jour le jour, telle que la vivraient les personnages. C'est finalement cette absence de principe qui en est devenue un (...) Rarement l'avanture d'un tournage se sera si étroitement identité au film lui-même. rencontres d'adoptants, visites d'innombrables orphelinats, le choc du camp S21, le travail de la remarquable association PSE dans l'immense décharge sur laquelle vivent des centaines de familles, les traversées de Phnom penh en "motodop", la foule de la fête des eaux..."
Bertrand Tavernier souhaitait que les membres de l'équipe prennent très vite conscience des aspects les plus terribles du Cambodge. Martin Jaubert, régisseur général sur Holy lola, confie ainsi : "Pour les nouveaux arrivants comédiens ou techniciens, Bertrand avait inclus la déchetterie dans le parcours initiatique : "Emmène-les dans les deux orphelinats, puis à la déchetterie et finis par le musée du génocide", me disait-il." Ca va les mettre dans le bain tout de suite."
Isabelle Carré parle de sa rencontre avec Srey Pich, alias Holy Lola, le bébé adopté dans le film par Géraldine et Pierre : "J'ai eu un coup de foudre pour Srey Pich. Quand je suis allée pour la première fois vers elle, elle m'a pris la main et, pendant une demi-heure, ne l'a plus lâchée. Les deux autres bébés choisis par Bertrand Tavernier pleuraient quand je les approchais. La douceur de Srey Pich a persisté pendant tout le tournage, même si elle avait avait vite compris que je représentais des moments éprouvants : l'attente, les décors parfois difficiles, la chaleur dans le voiture." Le premier nom donné aux orphelins est traditionnellement celui de leur ophelinat : c'est le cas pour la petite Holy Lola.
Si l'équipe du film était en grande partie française, Holy Lola a aussi été la première expérience cinématographique, devant ou derrière la caméra, de plusieurs Cambodgiens, le plus souvent non-professionnels. La femme qui joue le rôle de la nounou de Lola travaille réellement dans l'orphelinat. De même, l'homme qui a travaillé comme assistant coiffeur a grandi dans la déchetterie où certaines scènes du film ont été tournées.
Un fameux réalisateur joue pour la première fois la comédie dans Holy Lola : le Cambodgien Rithy Panh, auteur notamment des Gens de la riziere. Au début de l'année 2004, il signait un documentaire-choc sur la torture systématique pratiquée par les Khmers rouges dans les années 70 : S21, la machine de mort Khmère rouge. Cet épisode douloureux de l'histoire du pays est d'ailleurs évoquée dans Holy Lola, notamment à travers une visite du musée du génocide.
La musique de Holy Lola a été composée par le grand contrebassiste Henri Texier. Grand amateur de jazz, Bertrand Tavernier avait fait appel au clarinettiste Louis Sclavis pour Ca commence aujourd'hui. On se souvient par ailleurs que Dexter Gordon était le héros d' Autour de minuit et que le cinéaste avait consacré un documentaire au blues, Mississippi Blues, en 1983.