Pas si facile de faire un bon film sur un tel sujet, et "Mon fils à moi" évite deux gros écueils : l'accumulation qui tourne au portrait à charge d'un des personnages, et la tentative de démonstration psychologique qui débouche généralement sur deux bonnes heures minimum d'insipidité. Ici, la réalisation installe très vite un rythme finalement assez efficace : le spectateur est tout de suite plongé dans l'histoire, les détails arrivent à mesure que leur utilité se fait sentir, et on ne perd pas de temps en de trop nombreuses "scènes-de-la-vie-quotidienne". De là naît un crescendo léger mais régulier qui assure l'efficacité du film. Martial Fougeron resserre autant que possible la narration, privilégie les scènes courtes et efficaces – voire en abuse –, ce qui a l'avantage d'éviter la bouillasse sentimentaliste que réservent de trop nombreux films sur l'enfance malheureuse. Par la même occasion, on évite toute impression de déjà vu, ce qui n'était pas gagné au départ, tellement sont nombreuses les histoires de manipulation, de chantage affectif et de matriarcat toxique – on pense à "L'Enfant" de Vallès (1878), à "Vipère au poing" d'Hervé Bazin (1976) adapté au cinéma (2004), aux "Noces barbares" de Queffélec (1985), etc.
Car ce n'est pas le sujet de "Mon fils" à moi qui fait l'intérêt de ce "Poil de carotte" citadin et modernisé, c'est son traitement : premier critère d'un film réussi. Pour que l'on y croie, il fallait aussi des personnages réussis. Sur ce point, à l'exception de la sœur, peut-être pas indispensable à l'organisation du film, tout va bien : la mère possessive est juste assez folle pour faire peur, mais suffisamment saine d'esprit et calculatrice pour être crédible ; le père se place dans la lignée des MM. Lepic ou Rezeau ; la grand-mère, en adressant à sa fille une réplique que sa dernière aurait tout à fait pu adresser à Julien, introduit quelque chose d'une hérédité tragique qui montre qu'elle n'est pas si accessoire que cela. Quant au personnage de Julien, pris entre amour filial – cet amour qui sert à tous les parents pratiquant le chantage affectif – et désir d'émancipation, il est juste aussi. (Inutile de dire que pour rendre ces personnages crédibles, le jeu de Nathalie Baye, du jeune Victor Sévaux et dans une moindre mesure d'Olivier Gourmet est diablement efficace.)
Alors, que manque-t-il à "Mon fils à moi" ? Peut-être d'être un peu moins appuyé. Car le titre lui-même annonce la couleur : il s'agira d'une histoire de possession. Et dès le début du film, on sait comment il finira. Le film a le défaut de ses qualités : qui dit resserrement du propos dit aussi une certaine lourdeur, car l'accumulation de séquences même courtes est parfois pesante. D'un autre côté, et paradoxalement, comme on aurait pu vouloir en savoir plus sur ce garçon, quelques scènes supplémentaires en dehors du « cocon » familial auraient pu donner le change.