C'est en 1999 que Michael Moore a pour la première fois l'idée de développer un film sur le système de santé américain. A l'époque, il produit une émission intituléeThe Awful Truth : "Pour le premier numéro, nous avons suivi un type qui n'arrivait pas à se faire payer une greffe d'organe par son assurance. En quelques jours à peine, on a obtenu de son assurance qu'elle couvre les frais de l'opération et on lui a sauvé la vie. On s'est alors dit qu'on pourrait en faire tout un film, en prenant le cas de dix personnes : on pourrait par exemple passer dix minutes avec chacun d'entre eux et essayer de leur sauver la vie."
C'est par l'intermédiaire de son site web, michaelmoore.com, que le cinéaste a démarré son enquête. En février 2006, il a appelé les internautes, qui avaient gravement souffert des failles du système de santé, à témoigner : "Si vous voulez me raconter ce que votre assurance vous a fait subir, ou ce que vous avez enduré parce que vous n'avez aucune couverture médicale, ou si vous voulez me parler du fait que des hôpitaux et des médecins ont refusé de vous soigner (ou, le cas échéant, du fait qu'ils vous ont ruiné en vous faisant payer des honoraires prohibitifs)... si vous avez souffert d'une manière ou d'une autre à cause de ce système honteux, pervers et uniquement voué au profit, ou si vos proches en ont été victimes, écrivez-moi." En l'espace d'une semaine, Michael Moore reçut plus de 25 000 e-mails.
Alors que le réalisateur réfléchit à ce qui deviendra Sicko, le drame du lycée Colombine vient placer tous ses projets entre parenthèses. Michael Moore se concentre de suite sur ce sujet brûlant d'actualité, qui donnera plus tard Bowling for Columbine. Lorsqu'ensuite, la guerre en Irak débute, le cinéaste choisit une nouvelle fois de mettre en suspens le projet Sicko, estimant qu'il est temps de contruire un film centré sur le président George W. Bush et ses conseillers. "Il nous a semblé urgent d'y consacrer un film. Mais nous n'avons jamais abandonné l'idée de tourner le film sur le système de santé."
Bowling for Columbine, oscarisé. Fahrenheit 9/11, Palme d'Or à Cannes. Là où Michael Moore passe, le succès et la polémique sont au rendez-vous. Alors, quand ce dernier choisit son nouveau thème et son angle d'attaque, personne n'est à l'abri. Lorsque la rumeur souffla que son prochain projet ciblerait le système de santé américain, les entreprises américaines qui en retirent d'énormes profits prirent peur. Vice-président sénior de Pharmaceutical Researchers & Manufacturers of America, Ken Johnson avoua même à un journaliste que les patrons du secteur "avaient les jetons et s'arrachaient les cheveux." Quant aux salariés des grands laboratoires pharmaceutiques, ils reçurent par la suite une curieuse lettre : "Notre journal interne a publié un article expliquant que Moore préparait un documentaire, et que si un type débraillé et portant une casquette de base-ball se présentait, on saurait à qui on avait affaire," expliquait un porte-parole du laboratoire pharmaceutique Pfizer au Los Angeles Times. Le secteur fut pris d'un tel vent de panique qu'un journaliste de CNBC qui couvrait la conférence annuelle d'un grand laboratoire expliqua que le "niveau de paranoïa était à son paroxysme".
De son enquête, Michael Moore a recueilli près de 200 témoignages en l'espace de 130 jours de tournage. Une grande première pour le réalisateur, qui n'avait eu besoin que de 38 jours pour tourner Fahrenheit 9/11. Cette fois, Moore s'est retrouvé avec 500 heures de rushes à sa disposition. Etant donné que Sicko ne devait durer que deux heures, il a dû faire appel à trois monteurs pour l'aider dans cette tâche de longue haleine.
Afin de critiquer le système de santé américain, Michael Moore a parcouru de nombreux kilomètres. Il a d'abord posé sa caméra aux Etats-Unis, en écumant de nombreuses régions, telles que la Californie, la Floride ou encore le Texas. Le cinéaste s'est ensuite éloigné de son pays et s'est tourné vers le Canada, l'Angleterre, la France pour finir à Cuba.
Après avoir remporté la Palme d'Or en 2004 pour son brûlot Fahrenheit 9/11, Michael Moore est à nouveau à l'honneur du Festival de Cannes en 2007. Sicko fait en effet parti de la sélection officielle du Festival, mais présenté hors compétition.
Michael Moore a été ovationné pendant près de 15 minutes à l'issu de la projection de Sicko pendant le Festival de Cannes.
Lors de la conférence de presse de Sicko durant le Festival de Cannes, Michael Moore a révélé faire l'objet d'une enquête au sein du FBI, pour s'être rendu à Cuba pour les besoins de son documentaire. Il voulait en effet, et selon ses propres dires, "emmener avec lui des sauveteurs américain du 11 septembre et qu'ils puissent bénéficier des mêmes soins de santé que les détenus d'Al Qaeda présents à Guantanamo" (voir la vidéo de la conférence de presse ici) . L'île est en effet, depuis l'arrivée de Fidel Castro au pouvoir en 1962, soumis à un embargo par les Etats-Unis, qui perdure depuis. Le cinéaste a fait part de son désir de réaliser une contre-enquête sur les méthodes d'investigations du FBI concernant son déplacement à Cuba. Il a par ailleurs caché la pellicule du film hors du territoire américain, de peur que les autorités américaines ne la saisissent dans le cadre de l'enquête le visant.
Michael Moore a l'impression que Sicko lui a permis de s'améliorer dans l'exercice de la réalisation : "Quand les gens vont au cinéma, ils ont envie d'être émus, de passer un bon moment, ou d'apprendre quelque chose. Ils veulent être surpris, et quant à moi, je n'ai pas envie de me répéter. Je crois donc que certains spectateurs seront étonnés par l'atmosphère de ce film."
C'est une initiative assez rare : deux puissants lobbies du milieu hospitalier, la "California Nurses Association" et le "National Nurses Organizing Committee" se sont associés au lancement du film aux Etats-Unis, prévu le 29 juin sur une combinaison de 3000 salles.
Deux cinéastes et documentaristes, Debbie Melnyk et Rick Caine, longtemps fervents soutiens à Michael Moore, ont réalisé un documentaire intitulé Manufacturing Dissent. Ils ont filmé le cinéaste lors de sa tournée promotionnelle de Fahrenheit 9/11, en s'interrogeant notamment sur les méthodes d'enquêtes de Michael Moore. Ils lui reprochent entre-autres de souvent chercher à mélanger les faits de ce qui relève de la fiction ou de simples suppositions.