Lucile Hadzihalilovic nous plonge ici dans un monde bien étrange, pratiquement onirique, parfois cauchemardesque, dont on peinera à avoir les réponses laissées en suspend par les nombreuses questions que peut poser le film. Sorti en 2005, le film est beaucoup comparé à "Pique-Nique à Hanging Rock" et à raison puisque nous sommes confronter plus ou moins à la même chose dans la construction du film, c'est-à-dire un film avec des personnages que l'on arrivera pas à cerner totalement et dont on ne sait d'où ils viennent et dont on ne sera pas non plus ce qu'ils deviennent. Mais malheureusement, tout le monde n'a pas la même poésie que Peter Weir. Car si la mise en scène nous transportait littéralement dans l'univers de ce dernier, ici, on est un peu circonspect face à ce que l'on a sous les yeux même si la fascination opère quand même. Enfin, si on rentre dedans évidemment, ce pourquoi le film a autant divisé la critique. Eh oui, ce n'est pas un film vraiment accessible, c'est même très intello par moment mais jamais prétentieux. C'est-à-dire que la réalisatrice n'a jamais la prétention de dire "eh regardez mon chef-d’œuvre que vous n'arriverez pas à comprendre". Au contraire, même si de nombreuses questions restent en suspend, elle donne plusieurs clefs, clefs qui sont quelques fois produites par le spectateur lui-même. Car nous sommes assez simplement dans une parabole de l'adolescence ou plutôt de l'enfance vers l'âge adulte ; je crois que les nombreuses métaphores avec le papillon qui sort de sa chrysalide sont assez évidentes là-dessus. Mais pas que, la réalisatrice laisse en effet de nombreuses autres pistes avec des éléments très étranges (notamment les petites filles qui arrivent dans des cercueils, cette représentation théâtrale aussi belle que dérangeante, l'histoire du train, ces deux professeures marquées par quelque-chose etc.). Et, encore une fois, le film peut être très frustrant sur ce point, comparé encore une fois à "Hanging Rock" où le réalisateur palliait cette frustration avec une excellente mise en scène et une poésie palpable. Alors, je ne dis pas qu'ici, ce n'est pas bien réalisé, nous avons au contraire de très belles scènes mais le côté poétique ne prend jamais vraiment car on est dans un univers bien trop glauque. Ce qui nous fait nous poser des questions quant à la véritable nature de cette école d'ailleurs. Mais paradoxalement, ce n'est pas plus mal de ne pas avoir de réponse claire car cela aurait forcément été décevant. Effectivement, libre au spectateur de se faire son propre film dans sa tête et ce n'est quelques-fois pas plus mal. "Innocence" est donc un film mystérieux, de par son scénario mais également de par son ambiance dans lequel il ne faut pas s’efforcer à y trouver une logique.