Troisième film de John Boorman, et un des moins bien lotis en DVD : plusieurs autres critiques ont pointé ce désolant détail, mais "Duel Dans Le Pacifique" n'existe en DVD, en France, que dans une édition absolument immonde (VF uniquement, qualité d'image digne d'une vieille VHS laissée au soleil pendant une semaine, recadrage qui bouffe la moitié de l'image...un peu comme le "Junior Bonner" de Peckinpah, au passage, qui est victime du même problème). Pour le voir, car en plus, ce film ne passe pas à la TV sur les chaînes lambda, j'ai dû me tourner vers un blu-ray espagnol ne proposant pas de VF, mais la VO anglaise d'origine et des sous-titres français. Et une qualité d'image et de son parfaite. Et un film au format respecté. Et la fin alternative (celle voulue par Boorman) en bonus ! Devoir passer par des chemins détournés pour, en France, voir un film de cette qualité, c'est lamentable, mais passons.
Le film ? Magistral. Deux acteurs seulement (Lee Marvin et Toshirô Mifune, dans un de ses premiers, si ce n'est son premier, rôle dans un fillm occidental), et très peu de dialogues, qui plus est, souvent, des dialogues qui ne servent au final pas à grand chose, tout passant par le regard et les gestes ici. Deux hommes coincés sur une île déserte en plein Pacifique, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Un pilote américain et un officier de marine japonais. Bref, deux ennemis, qui, au départ, s'affrontent du regard en permanence, se font des vacheries (
Mifune détient une petite réserve d'eau, Marvin veut remplir sa gourde, Mifune l'en empêche et met le feu à la partie de la jungle dans laquelle Marvin s'abrite, ce genre de plaisanteries de cour de récréation de maison centrale
), avant de, progressivement, s'apprivoiser, mais on sent que ça ne durera pas. La fin est abrupte (
après avoir construit un radeau à deux, ils parviennent, après un périple maritime, à gagner un petit chapelet d'îles sur lesquelles se trouvent des baraquements militaires nippons désertés, et s'y reposent, parvenant à bien s'entendre malgré la barrière de la langue ; jusqu'à ce qu'un bombardement ne vienne mettre définitivement fin à tout ça)
, et Boorman ne la voulait pas, cette fin, imposée par la production, il préfèrera une autre fin,
celle où les deux hommes, au même endroit, continuent de se faire la gueule pour des broutilles
, une fin plus ouverte, et en même temps très cynique.
Barrière de la langue, j'ai dit, car l'Américain ne parle qu'anglais, le Japonais que le...non, c'est trop facile, le japonais, et à la base, le film était sorti avec les dialogues nippons non sous-titrés(et, au Japon, avec les dialogues anglais non sous-titrés), afin que les spectateurs soient dans le même mood que les personnages, à ne pas comprendre ce que dit l'autre, l'adversaire, l'ennemi. Le blu-ray propose le sous-titrage pour l'ensemble des dialogues, anglais comme japonais, ce qui est bien, même si ça ruine le parti-pris voulu initialement par Boorman. C'est un moindre mal.
Un film sublime, géniale dénonciation de l'absurdité de la guerre et variation originale (et parfois amusante : le début du film contient quelques passages assez comiques, et le contraste entre le côté très militaire discipliné et acariâtre excédé de Mifune et le côté très décontracté, cool, de Marvin est savoureux) sur le thème de "Robinson Crusoé", et un de mes préférés de Boorman, à défaut d'être un des plus connus.
On ne peut pas louper un film quand on y met Lee Marvin et Toshirô Mifune, en même temps.