Une route, dans le désert vertigineux de l’ouest américain. Une voiture tous les dix kilomètres, pas un coyote alentour. Un paysage anonyme, hermétique, dont le seul but semble être d’accueillir quelques heures les itinérants de passage. Une arène naturelle aussi, un théâtre aride et sans bornes qui forme un écrin idéal pour le duel à mort qui s’annonce. David Mann, quidam en voyage d’affaires, n’avait pas idée des conséquences en doublant le vieux camion qui traînait sa crasse devant lui. Hélas pour lui, le frêle incident suffit à chauffer à blanc un chauffeur au sang manifestement chaud. Ainsi débute la poursuite, inéluctable, interminable, nécessairement fatale. S’il n’en est pas totalement à son coup d’essai, le jeune Spielberg lance véritablement sa carrière avec ce téléfilm qui n’y ressemble guère. L’apprenti cinéaste y affiche un sens inné du cadrage, le faisant tour à tour rapproché, ras du sol, ralenti, rajoutant à la verve imaginative de son âge la virtuosité d’un vrai maître. Et puis il y a la montée dans les tours du malaise, cette mise sous tension exponentielle qui démarre lentement, puis prend de la vitesse en grimpant vers le climax final. Petit Steven est déjà grand – et ce premier fait d’armes, tout modeste qu’il parait, a bien en lui tout pour marquer durablement le genre.