Le début des années 2000 avait marqué un tournant dans la carrière du regretté Robin Williams. Et pour cause, le comédien, que nous avions vu dans des rôles dramatiques (Le cercle des poètes disparus, Will Hunting) ou bien réussi le coche avec des films familiaux (Hook ou la Revanche du Capitaine Crochet, Aladdin, Madame Doubtfire, Jumanji), s’était essayé au genre du thriller. Un virage inoubliable notamment via son interprétation mémorable dans Insomnia mais qui fut malheureusement passé inaperçu aux yeux du grand public, qui bien a aujourd’hui bien du mal à se rappeler de longs-métrages tels que Photo Obsession ou bien encore Final Cut. C’est d’ailleurs de ce dernier que je vais vous présenter ici, afin de vous montrer que ces films ne méritent pas une ignorance aussi cruelle de la part des spectateurs.
D’autant plus que ce Final Cut a de quoi séduire rien que par son scénario novateur qui n’est pas sans rappeler les grands titre du cinéma d’anticipation contemporain (du moins pour l’époque, comme l’avaient été Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol et The Truman Show de Peter Weir). Bien qu’ici le film d’Omar Naïm flirte plus avec le thriller que le drame, il propose un futur pas si lointain dans lequel une technologie hors du commun mais pas insensée sert de prétexte à pointer du doigt certaines carences de notre société actuelle. User de l’implant Zoe et de ses « monteurs » dans l’histoire, c’est critiquer bon nombre de sujets touchées à l’heure actuelle par les médias (journaux, internet…) : la censure, les faux-semblants, le voyeurisme, les atteintes à la vie privée d’autrui… Tant de thématiques fortes intéressantes jamais survolées dans ce film qui passent par des séquences évocatrices, comme celle de manifestants exprimant leur colère envers cette technologie, ou bien ce passage où notre héros supprime la scène d’une violence sexuelle pour continuer de faire l’éloge de son « client » car il est payé pour cela. Une trame plutôt riche au service d’un thriller intrigant, mettant en scène un personnage à première vue assez mystérieux et dont nous découvrons petit-à-petit sa mentalité et son passé pour le côté divertissant de l’ensemble. En somme, Final Cut captive de bout en bout par une finesse et une richesse d’écriture maîtrisée qui saura titiller votre curiosité tout en vous faisant réfléchir, et ce malgré une fin un peu trop vite expédiée. Le tout tient la route : le prix du meilleur scénario au Festival de Deauville 2004 n’a pas été volé !
Un film indépendant porté avec maestria par le génialissime Robin Williams qui, depuis Photo Obsession et Insomnia, ne fait qu’entrer dans la peau de personnages pour le moins ténébreux et peu recommandable. Et même si ici son rôle est loin des psychopathes auxquels ils commençaient à nous habituer, le comédien interprète Alan Hakman avec une justesse et une profondeur indiscutable, le rendant à la fois troublant et touchant. Ce qui lui permet de se hisser sans mal à la tête d’un casting peu mémorable, composé d’acteurs et actrices peu connus du public (hormis Jim Caviezel, que beaucoup connaissent aujourd’hui grâce à la série Person of Interest) n’arrivant pas à la cheville du monstre qu’est Robin Williams. Tout comme le scénario, il se présente comme l’argument principal pour se plonger pleinement dans le visionnage de Final Cut sans avoir à regretter quoi que ce soit !
Malheureusement pour le long-métrage, ce n’est pas une sensation euphorique, celle d’avoir vu un chef-d’œuvre, que vous aurez au moment qu’apparaitra devant vos yeux le générique de fin. Mais plutôt une certaine frustration. Mis à part un scénario original, c’est du côté de la réalisation que pèche Final Cut. En effet, à vouloir se lancer dans un film d’anticipation pour son premier long-métrage, Omar Naïm s’est montré un poil trop ambitieux sans savoir à l’avance s’il avait la carrure nécessaire pour s’atteler à un tel projet, ce genre de cinéma nécessitant forcément une certaine ambiance. Non pas que Final Cut en soit dénué, l’atmosphère du film y est des plus hypnotiques et pesantes. Juste que le cinéaste n’arrive pas à la gérer correctement, celle-ci se montrant bien trop souvent étouffante car se faisant trop ressentir par un montage pour le moins étrange (l’assemblage de certaines scènes donnent l’impression d’un côté sans queue ni tête, nous faisant parfois croire que l’histoire passe du coq à l’âne), de jeux de lumières trop sombres (renforçant un côté fantastique horrifique qui n’a pas vraiment lieu d’être) et une musique pouvant déranger. Et pour les spectateurs les moins faciles, il leur suffira d’une introduction que l’on croirait tout droit sortie d’un film amateur (par sa mise en scène, sa photographie et la prestation des jeunes acteurs) pour les désintéresser de l’entreprise alors Final Cut vaut le coup d’œil.
Est-ce par ses défauts que le long-métrage d’Omar Naïm n’a pas su faire parler de lui ? Sans doute ! Il est tout de même regrettable que le public soit passé à côté d’un tel thriller. Certes, le film est très loin d’être parfait, certaines ombres l’empêchant d’être l’égal des grands titres du genre. Mais il est temps de le faire sortir de l’ignorance en mettant sur le devant de la scène son script et l’impeccable interprétation de Robin Williams, véritables arguments pour vous lancer dans le visionnage de ce film méconnu et qui mériterait franchement bien plus.