« L’ange exterminateur » est un film fantastique qui se veut une étude sociale. C’est en fait une analyse sociétale d’un groupe précis : les grands bourgeois. Prisonnier de leur convenances et rites, ils s’abandonnent à la déliquescence de ce que fut leur civilisation. Bien sur, les employés sont partis dès le début, seul reste le parfait laquais selon la phraséologie maoïste : le majordome. Message marxiste clair : les dirigeants de la classe capitalistique par excellence n’offrent aucun souffle, ni perspective. Prisonnier de leur propre enfermement, faute de solution ils se laissent prendre dans le retour à la barbarie bestiale. Ils sont prisonniers d’un piège que le bon peuple (les employés) a évité. Leur vernis définitivement craquelé, ils offrent le catalogue exhaustif des sept péchés capitaux. Ainsi après la gourmandise et l’orgueil, place à l’envie, la colère (la haine), l’avarice, la luxure et la paresse (ou absence de volonté). Si par instant l’espoir d’une prétendue rédemption morale pourrait être entretenu, la fin profondément anticléricale, l’anéantit définitivement. Juste avant la révolution populaire et la répression, évidemment militaire, évidemment franquiste, qui s’en suit. Si ce n’était quelques remarquables trouvailles visuelles, comme la répétition pour ponctuer l’enfermement, la main qui matérialise le délire schizophrène d’une convive, l’ours qui semble regarder une pantomime, la justesse de l'interprétation (admirable direction d'acteur), la balourdise manichéenne du fond peut surprendre. Le réalisateur nous a habitué à plus de finesse, à défaut de nuance. Heureusement, le trait sera considérablement dégraissé dix ans plus tard, dans « Le charme discret de la bourgeoisie » dont « L’ange exterminateur » semble être une esquisse.