Benoit Poelvoorde. Il est parfois des gens insaisissables avec qui l'on aimerait pouvoir discuter l'espace d'un temps, creuser, comprendre, savoir pourquoi ils peuvent faire marrer un public un jour et le lendemain distiller un mélange de fragilité et de mélancolie, laissant le même public pantois.
Cet acteur dégage quelquechose de rare, fondé sur une sensibilité de cristal. Il ne joue pas un rôle, il est Benoit Poelvoorde. Paul Préboist était lui aussi un peu comme ça, en plus trash.
Un jour au Mathis, rue de Ponthieu, nous nous sommes croisés, l'acteur belge et moi, avons échangé quelques mots, avons ri soudainement et j'ai eu, une fois de plus, la sensation que les gens un peu étranges savouraient la vie d'une façon plus aérienne et romanesque que les raisonnables.
Fabienne Godet, la réalisatrice, lui a fait sans le savoir, cadeau de l'un de ses plus beaux rôles.
Il n'est nullement question dans le cas présent de gaudriole, monsieur Manatane est loin. On touche là à la gravité et à la profondeur de l'habitant le plus illustre de Namur.
Le titre résume à lui seul la détresse du personnage principal, Antoine, photographe pour qui la vie a la couleur de l'ennui. Seul la plupart du temps, il a un ami, d'une trentaine d'années de moins que lui, le fils de sa voisine, qui trouve régulièrement refuge chez lui et qui lui, ne s'ennuie pas au contact du photographe, aux principes d'éducation pour le moins décalés. Il oublie trop régulièrement le vide de son existence et les photos de mariage qu'on lui commande dans les vapeurs de l'alcool, son autre ami, moins bienveillant, celui-là.
Le quotidien d'Antoine suit son cours linéaire, sans relief et sans saveur quand un jour, la musique du piano d'une voisine attire son attention. Les mélodies de Chopin et les charmes de la voisine, incarnée par Ariane Labed, vont donner à Antoine l'entrain qui lui manquait tant. Cette voisine va peu à peu devenir sa raison de vivre, pour le meilleur, pour le pire...
Emouvante, intelligente, lente, cette comédie dramatique est essentiellement portée par Benoit Poelvoorde avec l'aisance qu'on lui connaît, épaulé par Ariane Labed, à la justesse et au cynisme parfaits et par le petit Max Baissette de Malglaive, qui deviendra grand, dans le landerneau du cinéma français.
S'il doit y avoir un film sur la solitude, ça pourrait être "Une place sur la terre", qui peu à peu lève le voile sur un certain optimisme, compliqué à entretenir mais qui a au moins le mérite de se montrer.