Il ne suffit pas d'avoir une bonne situation, un bel appartement et de nombreux contacts pour que vous vous sentiez bien dans votre peau. Un mal, ineffable et transparent, peut vous ronger de l'intérieur sans prévenir. Cela fait des années qu'Antoine, un photographe désabusé, connaît cette sensation de malêtre. Mais lorsqu'il sauve la vie d'Elena, une jeune fille voulant se suicider, il va peut-être réussir à trouver ce qu'il a toujours voulu, une place sur la terre.
Le grand point fort de ce film est évidemment Benoît Poelvoorde qui est, comme d'habitude, magistrale. Mais sa force de jeu et sa capacité à tout interpréter de manière apparemment si simple vient peut-être de son naturel, comme si l'acteur ne forçait pas à incarner tel ou tel personnage. Nous retiendrons notamment de lui le passage où il se confie à sa patronne, car il se montre naturellement brillant, simplement humain. Mais Poelvoorde n'oublie pas de faire du Poelvoorde en intervenant avec ses touches comiques (phrasé, langage grossier, humour cynique) qui n'appartiennent qu'à lui. Mais ce point fort est également la faiblesse d'Une place sur la Terre. Bouffant tout le monde à l'écran, le belge réduit les autres à néant et ne permet pas à ce film d'avoir une portée plus globale. En bref, le film ne s'élèverait pas très haut sans sa présence.
Malheureusement, l'actrice principale incarnant Elena n'est pas toujours crédible et loupe certaines scènes. D'autres séquences n'ont pas la portée dramatique que la réalisatrice aurait voulu donner, comme le dîner familial. Surcharger en pathétisme, les personnes à la table ressemblent plus à des cadavres qu'à de véritables humains et n'élèvent à aucun moment le débat sur le comportement de la jeune fille. Une place sur la Terre est long à terminer, avec une absence de dialogues qui se fait sentir à certains moments, et qui rend par conséquent le film un peu lourd. La fin, ratée car inutile, ne fait qu'ajouter de la lourdeur à une narration trop maigre. En effet, Godet ne rentre pas trop en profondeur de ce sujet délicat et le survole parfois.
Là où la liaison entre ces deux personnages centraux fonctionnent, c'est dans leur rapport au temps. Lui souhaite le suspendre en photographiant les corps. Elle a décidé de remonter le temps en jouant des oeuvres de Chopin, ou d'écrire une thèse sur les vestiges d'Égypte. On retiendra également la bonne relation qu'Antoine entretient avec le fils de sa voisine. Ce dernier est le seul à véritablement paraître heureux de vivre, et cela permet d'ajouter de la couleur à la vie du photographe. Une bonne idée, qui ne suffira pas à faire d'Une place sur la Terre un film convainquant.