Un film inconnu ou presque de Jim Carrey, c’est rare mais vu le thème c’est compréhensible. Le comique s’essaie, comme beaucoup avant lui, au tragique, au dramatique, ou au moins à un genre qui lui était inconnu. Alors certes on ne l’attendait pas là, mais est-ce suffisant ? Est-ce un bon choix pour lui comme pour le public ? La majorité des cas précédents rendant une copie plus que médiocre on peut douter. Donner la réalisation à Jojo Schumacher après Batman 3 et 4, là clairement on peut craindre même.
Sans être adepte de numérologie il est certain que la récurrence du chiffre 23 concernant les grandes dates/noms est indéniable. On peut également arguer qu’en mixant les nombres on en fait ce qu’on veut (un jour on prend la date complète, l’autre on l’ampute de l’année, on ne tient compte que de 2 prénoms d’une personne quand il en a 4 ou que le milieu d’une heure etc). Après ça fait un postulat de départ pas trop nul donc pourquoi pas ? Au-delà de ça Schumacher a fait en sorte que tout ait un sens, pas que le 23 glissé un peu partout, on a tout autant : les décors, les tenues, les angles et la couleur (le rouge donc). Là on est dans une lecture moins littérale puisque cela participe à la compréhension et à différencier la réalité de la transcription du livre, mais toujours avec un lien entre eux. L’immersion est complète grâce à la mise en scène. On nous embarque dans la folie du héros, l’intrigue monte en parallèle et ce jusqu’à la révélation finale qu’on n’attend pas, bien aidé en cela par la trame, originale quoique déconcertante.
Jim Carrey change de registre donc sa voix aussi, étrange mais ça passe, d’autant que la VF n’est pas si mal. On le savait capable d’évoluer ailleurs que dans l’humour, mais là on sent qu’il est intrigué lui aussi par ces phénomènes, son obsession qui le torture est bien retranscrite. Par moments, avec son look échevelé, il ressemble à Nicholson dans le non moins fameux Shining. S’il porte le long métrage il n’est pas seul, Virginia Madsen s’en sort plus qu’honnêtement et mériterait une filmographie davantage qualitative.L’atmosphère sombre et glauque du livre (hormis le rouge qui ressort ainsi davantage) participe à l’ambiance d’oppression générale. Comme le monde du héros s’en rapproche (et pour cause) il y voit des similitudes et s’y attache, et nous aussi. Cela peut paraitre un peu gros de l’extérieur, et la fin commode et/ou précipitée, mais c’est cohérent.
Au final j’ai été surpris, faut avouer que ça partait mal, mais du coup on baisse nos exigences et on est plus que satisfait. Carrey sait jouer dans de grands films (Truman Show, Man on the moon, Scrooge, I love you Phillip Morris) avec des sujets sensibles et/ou inédits. Avec une trame parfaitement menée et un réalisateur (là aussi c’est inattendu) qui a dirigé subtilement l’ensemble, on est sur un thriller étrange certes, mais terriblement efficace car on se lie facilement aux péripéties de Walter.