La beauté des retrouvailles des deux célèbres amants tient, dans Robin and Marian, à la décadence ambiante qui dégrade systématiquement l’épique en une somme d’actions confuses et peu coordonnées : les hommes de pouvoir se disputent les juridictions et les titres et hommages associés, les figures tutélaires sont délaissées au profit d’une masse impersonnelle qui subit collectivement l’effort ; nulle séquence ne montre un quelconque héros professer son discours ou haranguer la foule, nulle séquence ne présente les camps en train d’échafauder un plan d’attaque comme d’ordinaire dans ce genre de productions. Laissons cela à la jeunesse, dont la fougue et la révolte se rejouent ici en mode mineur. Tout semble en effet s’improviser voire se fuir : les combattants des bois se retirent après une escarmouche, les religieuses que l’on vient sauver ne se pressent pas et ne sont d’aucune aide, la mère supérieure elle-même se livre à l’ennemi sans résister puis conduit le chariot au fond d’un lac ; les amoureux d’autrefois se retrouvent par inadvertance, et Robin paraît même sur le point de renoncer, préférant revenir le lendemain.
Se répète une lassitude teintée d’espoir et de fougue comme des souvenirs vaporeux continuent de se réactualiser, malgré le temps qui passe. Les flèches décochées n’ont rien perdu de leur célérité, ni de leur précision ; seulement, elles se décochent moins souvent, jusqu’à la clausule magnifique qui se referme sur l’image initiale, celle des trois pommes à des états de mûrissement différents. Cette vanité encadrante se diffuse tout du long, par les peines éprouvées lors des assauts, par les cicatrices qui saccadent le corps de Robin, par la présence centrale de l’abbaye, lieu de prière et dernière maison, et de sa cheffe. La pureté de Marianne, parfaitement campée par Audrey Hepburn, se heurte à la boue, aux mêlées, à la rugosité extérieure incarnée ici par un Robin des bois vieillissant et sale ; néanmoins, leur relation, parce qu’elle est naturelle, parce qu’elle va de soi, transforme la nature sauvage en terre d’accueil, et la mousse devient une couche où dormir l’un contre l’autre, et les branchages garnis de feuilles se métamorphosent en drap pour se réchauffer. Le romanesque du long métrage est concerté, il est porté par la mise en scène bucolique et par des dialogues à l’eau-de-rose ; il cohabite pourtant avec le registre burlesque qui traite de faits graves avec légèreté, participant de cette dégradation tonale d’une légende épique tournée en dérision par une figure d’aède conscient des ajouts et des amplifications.
Richard Lester signe un très beau film, dont l’originalité tient essentiellement au décalage tonal entre d’une part la grandeur d’un nom et de l’histoire qui y est associée – celle du Prince des voleurs ! –, d’autre part le comique volontaire ou non qui le raccorde à sa matérialité, à sa trivialité, gage d’un certain réalisme. Sans oublier le charme de son duo d’acteurs principaux, Audrey Hepburn et Sean Connery.