L'histoire du Rock'n Roll se narre comme un conte pour enfants : avec Jack Black en guise d'instit, une bande de gosses fringués pareil et coincés du bulbe, et tout un tas de références à leur faire découvrir pour qu'ils comprennent ce que c'est que d'être une rockstar, une divinité des salles de concert que tout le monde admire. Black, tout aussi passionné que son personnage, occupera ainsi son temps à leur présenter le sens de la vie, le vrai : le Rock.
Avec hyperactivité, expressions forcées et humour bon enfant; l'humoriste, délesté de sa vulgarité habituelle, s'essaie à la comédie pour enfants avec grande aisance sous la direction de Richard Linklater (A Scanner Darkly et Before Sunrise) et suivant un scénario de Mike White (habitué de Jack Black), avec qui il donne la réplique à un casting attachant parce qu'il est dans l'excès de ces films pour gosses un peu naïfs mais très charmants (Un Flic à la maternelle, par exemple).
Au connaisseur, de sympathiques rappels des plus grands groupes de l'histoire seront proposés, et des références aux plus grands lives se poseront comme des instants tire-nostalgie; au néophyte, la découverte d'une bande-son détonante puisque composée de classiques placés aux moments propices lui ouvrira un beau panel de bons groupes à découvrir, la plupart étant annotée quelque part sur les murs de l'appart de Dewey ou du tableau de la classe (dans un cours d'Histoire du Rock que tout amateur aurait rêvé d'avoir).
Led Zeppelin, Black Sabbath, Motorhead, Deep Purple, les Who (très souvent), une réunion des plus grands noms se glissera dans les dialogues certes convenus, mais toujours porteurs de belles émotions; c'est d'ailleurs cela qui le différencie des autres comédies pour gamins destinées à la vente de Noël à Carrefour, ou de finir en divertissement de l'après-midi sur Gulli : la personnalité Disney dont il écope est oubliée derrière la sincérité de l'ensemble, la volonté de bien faire les choses et la passion ouvertement partagée pour ce milieu si particulier.
Une sincérité qui s'accompagne de tout et de rien : sans réel filtre, The School of Rock multiplie les bonnes comme les mauvaises idées, enchaînant gag sur gag sans donner l'impression de les avoir sélectionnés. Tout autant qu'il donne vie à des personnages plus ou moins clichés (soit plus ou moins supportables), leurs interactions manquent parfois de naturel, de spontanéité; l'exercice, complexe, de faire justement évoluer Black dans un milieu de gosses à l'éducation très stricte laisse autant de passages à vide que de séquences de sacrée détente.
Ces enfants, également irréguliers, hisseront des sourires contemplatifs devant la beauté et la simplicité de l'intrigue. Bourrée de jolis sentiments pas toujours très bien incrustés dans son déroulé, elle perpétuera tout du long la bonne humeur générale, faisant l'impasse sur la logique scénaristique des réactions de leurs parents,
qui pardonnent les actes graves de cet imposteur (il est, rappelons le, un usurpateur d'identité ayant profité des rêves et de la naïveté d'enfants pour satisfaire son propre ego et se donner un but dans la vie) en voyant simplement leurs enfants jouer une musique à l'antithèse de leur propre culture, et face à un public qu'ils n'auraient jamais osé approcher.
Cet abandon de la logique des comportements entre en phase avec l'absence totale d'intérêt laissé au réalisme : les rapports entre les personnages, complètement utopistes et niais, ne se soucient pas de la personnalité des autres, de leurs envies, de possibles rivalités. Tout va bien dans le meilleur des mondes, parce que Rock Academy se fonde sur un développement de groupe, pas de personnages. Plus intéressé par la dynamique de la classe et la manipulation de Black (qu'il considère comme bénéfique pour eux), il rejette l'idée de singulariser ses protagonistes.
Comme dans l'histoire du Rock, finalement : on se souvient rarement, sans être connaisseur, du nom de Pete Townshend, de Cozy Powell, de Keith Moon ou Ian Paice. The Who, Black Sabbath et Deep Purple restèrent, eux, dans la légende. A cela, rétorquons cependant que la logique cinématographique ne suivant pas celle de l'histoire du Rock, l'oeuvre se limite à contourner l'un des éléments les plus importants de la construction d'une intrigue pour n'en faire ressortir qu'un groupe qui prendra vie dans les dix dernières minutes.
Regrettable de baser un film uniquement sur la préparation de sa conclusion; c'est comme si Rocky avait décidé d'uniquement préparer son combat final, occultant tout le développement de la personnalité de Balboa, ses rapports avec Adrian et Paulie, ses pertes d'espoir, de motivation. Pas bien pertinent, donc, quand l'effort n'est pas non plus fait pour uniquement préparer le concert de conclusion : paradoxalement, Rock Academy tente quelques caractérisations de personnage, encrant son écriture dans un entre-deux qui ne ressemble finalement pas à grand chose, si ce n'est à une histoire attachante du fait qu'elle est inconstante.
A l'image d'un concert de Rock, The School of Rock reste en mémoire parce qu'il fait le show malgré ses défauts. C'est aussi cela, le Rock'n Roll : insuffler suffisamment de passion pour s'ériger au delà des ratés, des interdits, et dire une bonne fois pour toutes non au regard des autres ainsi qu'au manque de confiance en soi. Parce qu'il ne tient qu'à vous de dire de dire non au boss.