Ah le surréalisme... Le terme est tellement galvaudé de nos jours, le concept tellement flou et tant d'oeuvres se réclament de ce mouvement qu'il est parfois synonyme de farce intellectuelle ou artistique, caution de biens des aberrations. Visionner «L'Age d'Or» permet de revenir au sources du surréalisme, et permet d'appréhender l'intérêt d'une telle conception de l'art : la subversion qu'elle peut apporter aux divers conformismes et autres convenances étriquées, l'affirmation du rêve sur la réalité, le retour à une certaine « vérité » de la pensée, bref la matérialisation d'une liberté artistique absolue, idéal suprême pour bien des esthètes. Le problème, c'est qu'à trop vouloir « choquer le bourgeois » ou à trop privilégier l'écriture automatique, les oeuvres surréalistes prennent le risque de se vider de toute substance, de ne rester qu'une suite d'images vides de sens et d'intérêts, que l'on parle de littérature ou de cinéma. Fort heureusement, Buñuel était suffisamment talentueux pour ne pas tomber dans le piège, il n'empêche, lorsqu'on regarde «Un Chien Andalou» ou «L'Age d'Or», on ne peut s'empêcher de se poser la question d'une possible fumisterie. Mais malgré l'amateurisme certain de ces deux oeuvres, leurs qualités sont indéniables, surtout que le second film de Buñuel s'avère plus maîtrisé que le premier à bien des égards. Il offre (malgré lui?) des pistes de réflexion d'un grand intérêt, des séquences magnifiques, comme des passages provocateurs inoubliables. La multiplicité des interprétations est toujours aussi bienvenue, bien que l'on s'interroge sur leur contradiction avec certains principes surréalistes : les associations d'idées sont elles voulues ou non? Sont-elles porteuse de sens? Là est la question. A la fois salutaire et mortifère pour l'Art (annonçant en un sens le funeste « post-modernisme »), fascinant et intriguant, le surréalisme trouve à l'évidence en «L'Age d'Or» l'un de ses meilleurs représentants! Incontournable. [3/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/