Un nouveau film de Kevin Smith est toujours un évènement à mes yeux, et après avoir terminé son cycle du New Jersey avec ses cinq premiers films, je me demandais comment il allait affronter la transition pour ce sixième. Il semble que Smith est décidé d’arrêter les comédies loufoques pour se concentrer sur des sujets le touchant plus personnellement, comme le fait d’être père. Oui, la paternité est au centre de "Père et Fille" : Ollie Trinke est un publicitaire renommé de New-York et avait tout pour lui : des revenus confortables, un appartement à Manhattan et une superbe femme, Gertrude, dont il est fou amoureux. Quand cette dernière tombe enceinte, le bonheur est au maximum. Malheureusement Gertrude meurt en accouchant d’une petite fille. Seul avec le bébé sur les bras, désespéré par son chagrin, Ollie craque lors d’une conférence. Licencié, il est contraint de retourner chez son père dans le New Jersey où il avait vécu son enfance. Il doit alors désormais d'assurer le quotidien de sa fille.
Ne soyons pas dupes : par l’intermédiaire de ses personnages, Kevin Smith expose ses propres doutes et angoisses et prend conscience de son statut d’adulte ayant des responsabilités (devenir papa, ça fait réfléchir !!). Et cela est remarquablement retranscrit dans le film entre la remise en question de Ollie vis-à-vis de sa vie, sa relation touchante et compliqué avec sa fille ainsi que son affrontement de sa vie amoureuse après avoir fait la connaissance de Maya. Le film est bourré de scènes magnifiquement touchantes (la mort de Gertrude, la promesse de Ollie à sa fille, la promenade entre père et fille dans New-York après avoir vu la pièce « Sweeny Todd », le plan final avec Ollie et sa fille dans ses bras dans un halo lumineux) qui sont sublimées par les dialogues. Smith prouve une nouvelle fois son génial talent dans le domaine, on retrouve même son goût si particulier pour les conversations franches et décalées lors de cette séquences très drôles où Maya questionne Ollie pour sa thèse sur l’obsession pornographique des pères de famille : toujours aussi magique la Smith Touch !! En outre, on ne peut que louer l’intelligence de Smith d’avoir fait une comédie sentimentale très réaliste sans jamais tomber dans le mélodrame mièvre et pathétique comme le ferais n’importe quel film français du même genre. On peut parler d’amour sans faire du gnangnan ridicule…oui car ici c’est d’amour que l’on parle, dans toute ses formes…pour Ollie il s’agit même d’un triple amour : le grand amour disparu, l’amour paternel et le nouvel amour naissant qui redonne goût à la vie. Mais si le script tient bien la route, c’est aussi grâce au casting, très judicieusement choisi. Tout d’abord Ben Affleck : que tous ceux qui critiquent cet acteur regardent "Père et Fille", car oui Ben peut-être un excellent comédien. Pour vous convaincre il n’y a qu’à voir la scène où sa femme meurt : il est bouleversant de réalisme et si on a envie de pleurer ce décès, c’est grâce à la détresse que donne Ben à son personnage. Il y a aussi le très sympathique passage où il discute avec Will Smith où encore cette jolie scène où il parle à sa fille de sa mère à New-York. D’ailleurs son duo père-fille avec la petite Raquel Castro fonctionne à merveille à l’écran tant cette gamine est formidable et bourrée de talent. Quand à celle qui interprète Maya, Liv Tyler, je dois avouer que je suis impressionné : après avoir détruit le personnage d’Arwen dans la trilogie du "Seigneurs des Anneaux" (je lui en ai tant voulu pour avoir ridiculisé à ce point la princesse elfe par son interprétation mou du genou !!), il faut reconnaître qu’elle nous campe une sympathique demoiselle dynamique et cool qui n’a pas froid aux yeux. Mieux : son couple avec Ben Affleck passe mille fois mieux ici que dans "Armageddon". Autre prestation savoureuse : celle de George Carlin dans le rôle du grand-père à la fois moralisateur et aimant, dont le grand moment apparaît à la fin du film lorsqu’il avoue à son fils qu’il ne veut pas qu’ils repartent à New-York parce qu’il « refuse de crever seul !» (j’ai vraiment eu les larmes aux yeux lorsque j’ai entendu cette réplique !). On est bien loin de son rôle du Cardinal cool et fan de golf de "Dogma" ! Kevin Smith nous livre donc une comédie sentimentale beaucoup plus subtile et mature qu'elle n'y parait, véritable successeur de son "Méprise Multiple" : "Père et fille" n’est pas uniquement un film beau et émouvant, c’est une véritable leçon d’amour sur pellicule.