On dit que les acteurs non-professionnels donnent une certaine fraîcheur à leur rôle. Dans grand nombre de films de la Nouvelle Vague (ma marotte à moi !), un grand nombre d’acteurs sonnent faux dans tous les secteurs de leur jeu : voix chantante durant les dialogues, corps empruntés et regards appuyés dans l’exécution de la mise en scène. Tout se voit et s’entend surtout.
On me dit - comme ça n’engage que moi, je le prends pour moi - que cela donne du réalisme à la scène. Désolé, les gens ne chantent pas quand ils parlent.
Pratiquant le théâtre, je peux vous assurer que ces voix sont constamment corrigées. Apparemment, pas au cinéma. En tout cas, pas chez Eric Rohmer ou Robert Bresson. Pour ce dernier, c’est voulu.
A noter que Louis Malle a été à bonne école puisqu’il a travaillé pour Bresson…
Pourtant, il y a pléthore de non-professionnels qui, grâce à leur prédisposition ou à la direction d’acteurs, évoluent remarquablement dans les scènes qui leur sont attribuées.
Bref, Pierre Blaise qui prête ses traits à Lacombe Lucien de Louis Malle ne s’en sort pas trop mal. Et d’autant plus que son rôle s’y prête un peu dans la mesure où il interprète un gars simple. A travers ses regards un peu lents qui suivent soit une personne, un objet ou traduire une pensée on pourrait percevoir les recommandations de son metteur en scène.
Il faut savoir que Pierre Blaise n’était pas si enthousiaste de faire du cinéma et selon les racontars, Louis Malle se serait souvent irrité du comportement de l’acteur débutant ; celui-ci se forçait à jouer.
Il en est de même avec Aurore Clément pour laquelle j’ai toujours eu du mal avec sa façon de déclamer un texte. Elle n’est pas la seule, je peux citer Jean-Pierre Léaud que je n’ai jamais supporté ou Bernadette Lafont qui s’est améliorée au fil de ses expériences. Aurore Clément effectuait son tout premier film et là aussi elle s’en sort bien, voire très bien.
« Lacombe Lucien » est un film qui a fait scandale et cela se comprend. Il fallait oser parler de la collaboration. Il fallait oser endosser le rôle de Lacombe Lucien. Quoique Pierre Blaise peu ravi de faire du cinéma, paysan de 17 ans, avait la naïveté de son personnage et ne mesurait sans doute pas ce qu’il jouait.
Lacombe Lucien est certainement le porte-drapeau de beaucoup de jeunes comme lui qui se sont engagés dans la collaboration synonyme d’un statut social qu’ils pensaient respectable. Il n’y a aucune idéologie, aucun engagement politique dans leur démarche. Evidemment, je suis persuadé qu’ils comprenaient assez vite ce qu’ils vivaient à travers leurs viles actions.
C’est comme mentir, on se prend au jeu, on en est conscient mais il apparaît qu’il est trop tard pour faire marche arrière.
Pourtant Lacombe Lucien va parvenir à changer sa mitrailleuse d’épaule si je puis dire par amour pour France (Aurore Clément), une jeune fille juive.
On peut toujours discuter de la présence du père de France, juif de son état dans ce petit village où tout le monde connaissait tout le monde en cette année 1944.
En ce qui me concerne, cela ne m’a pas dérangé du tout.
« Lacombe Lucien » est un récit accaparant malgré quelques lenteurs, quelques scènes qu’on pourrait qualifier de redondantes.
Louis Malle ne semble porter aucun jugement sur son personnage lequel serait plutôt victime d'une fatalité ! Et ceci participe sans doute à l’indignation et à la polémique qui s’en est suivi…
Un film pour la mémoire…