Un film détonnant et surprenant qui vu en 2024 nous parait tellement moderne, tellement libre, tellement frais, tellement anticonformiste. C’est un film que l’on ne pourrait plus faire aujourd’hui, plus possible de monter une telle production, pas même de l’écrire , car les mœurs ont bien changé et le politiquement correct à ( presque ) complétement envahi l’espace culturel. En premier lieu il faut apprécier l’effet de mise en abime utilisé par Louis Malle , en situant son récit dans les années 50, mais utilisant des thématiques très années 70’s, l’espace libertaire parenthèse de cette « décennie d’or » : tel que la libération de la femme, la liberté sexuelle, le parler cru , la dénonciation du rôle ambiguë, voir border line , des prêtres et de l’église , la politique , l’immigration. Et de fait le film reste complétement d’actualité sur toutes ces thématiques. Plus que le thème de l’inceste, come on le dit souvent, qui n’occupe que 5mn du film et qui est traité de manière très tendre, très respectueuse, comme l’aboutissement d’une relation fusionnelle, mais sans suite, rien de malsain, le film traite de l’éducation sensuelle et sexuelle d’un jeune garçon de 14 ans d’un milieu bourgeois, néo-catholique mais très moderniste . Et certaines scènes nous paraissent, encore aujourd’hui, effectivement complétement hors sol, surréaliste, presque Buñuelienne par leur hyperréalisme : masturbation masculine, mesure des sexes en groupe, visite au bordel, couple principal très libéré qui trompe leur conjoint tout naturellement. Le film ne soucie pas de la morale bourgeoise, il y a une « amoralité » fraiche, presque Rousseauiste, naturelle , c’est le fil rouge, une liberté absolue tout particulièrement dans le personnage de Léa Massari , féministe , libre, formidable actrice ,et qui tient là son meilleure rôle, pour le cinéma français . Une grande beauté et un charme irrésistible. A noter une bande son jazzy exceptionnelle tellement en phase ( et pourtant je n’aime pas le jazz), mais là c’est juste perfect. La réalisation de Malle est sobre et élégante, avec des dialogues incisif et empreint de culture iconoclaste ; citations multiples de Albert Camus, Boris Vian, Proust et même de Brasillach le pestiféré (car les trois jeunes frères sont de fins lettrés). Encore une fois, comme dans le superbe « Feu Follet », Louis Malle arrive par un effet looping , à créer un film intemporel, décalé, d’une modernité, d’une acuité mordante. Chapeau bas