Benoît Jacquot a été, dans les années 1970, l'assistant de Marguerite Duras. Le réalisateur se rappelle : "On lui avait dit que j’admirais ces films, leur force neuve et singulière, elle cherchait quelqu’un pour l’aider à entreprendre ses films à venir, un "bras droit" disait-elle. Quand elle a ouvert sa porte, elle m’a regardé un bref moment avant le moindre mot, et elle a ri franchement, et du coup moi aussi, comme si on se reconnaissait – elle m’a fait entrer. Dans les deux ans qui ont suivis, je l’ai aidé à réaliser trois films, Nathalie Granger (1972), La Femme du Gange (1973), India Song (1974), et je n’ai fait que ça. On se voyait, on se téléphonait tous les jours, tout le temps en fait. Il y avait une bande Duras rassemblée film après film, un foyer amical autour de Marguerite et ses films."
Suzanna Andler est adapté de la pièce du même nom écrite par Marguerite Duras en 1968. En 1977, cette dernière l'avait librement adaptée avec Baxter, Vera Baxter, dans lequel Michel était joué par un certain... Gérard Depardieu, alors âgé de 28 ans !
Pour le rôle-titre, Benoît Jacquot a fait appel à Charlotte Gainsbourg qu'il retrouve après 3 coeurs (2014).
"Quand j’ai donné ce texte à Charlotte Gainsbourg, je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit à ce point, immédiatement hantée, touchée, prise par ces mots, ces phrases, cette situation, ce personnage. Marguerite, si elle l’avait connue, aurait adorée sa dramaturgie intime. Comme les actrices qu’elle filmait, Charlotte est une voix, un style, une façon de se déplacer, de parler, de regarder, de s’approcher ou de s’éloigner qui est immédiatement en phase avec ce que Marguerite Duras exprime.”
En 1994, Marguerite Duras avait proposé à Benoît Jacquot d'adapter "Suzanna Andler" au détour d'une conversation. Ce dernier, au départ réticent parce qu'il ne voulait pas travailler sur l'oeuvre de quelqu'un avec qui il est ami, lui a toutefois promis qu'il le ferait. Le metteur en scène se souvient :
"Marguerite Duras est morte peu après. Je n’ai pas fait le film Suzanna Andler, ni aucun autre d’après Duras. Un ami commun, à qui Marguerite Duras avait dit ma promesse, me l’a rappelée récemment : c’est la raison intime de mon vœu aujourd’hui. (...) Je voudrais, avec la complicité d’acteurs de haut niveau, trouver les figures successives d’une géométrie mentale, sentimentale – maison au bord de la mer, du jour à la nuit, parcourue de travellings, de plans larges ou serrés, de rumeurs à l’arrière des mots, aux aguets de Suzanna Andler. Et donc, tenir ma promesse."