Chaînon manquant entre les cultes "Tontons Flingueurs" et le bien moins réussi "Les Barbouzes", "Ne nous fâchons pas" a le goût de ses comédies à l’ancienne si chères à Michel Audiard (qui officie, comme toujours au poste de dialoguiste) avec ses mafieux sévèrement burnés, ses dialogues qui font mouchent, ses coups de feu en pagaille, son univers décalé… mais souffre d’un rythme inégal. C’est d’ailleurs le principal défaut du film qui, après une première partie particulièrement riche en amorce scénaristiques et en dialogues savoureux, s’essoufflent à mi-bobine pour sombrer dans la redite vaguement explosive (les règlements de compte entre gangsters s’éternisent un peu sans vraiment renouveler le genre). Et c’est vraiment dommage car, sans ce virage redondant (qui laisse à penser que les scénaristes et producteurs ne se sont pas trop foulés), "Ne nous fâchons pas" aurait pu prétendre à un statut similaire à celui des "Tontons Flingueurs". Tout d’abord, il fourmille d’idées originales, à commencer par le rôle de l’escroc minable Michalon, la complicité entre Antoine et Jeff si naturelle qu’elle permet de faire l’économie du récit de leur passé commun ou encore la tribu d’anglais en cyclomoteurs, clones des Beatles (alors en pleine gloire) qui sert de garde rapproché au Colonel. Ensuite, le réalisateur prouve, une fois de plus, qu’il n’a pas son pareil pour faire passer les scènes les plus improbables (l’explication d’Antoine en début de film pour expliquer son altercation, l’assaut de la chambre de Michalon, la négociation pour savoir quand le Colonel pourra tuer Michalon, le jeu de séduction entre Antoine et Eglantine…) et pour faire briller les dialogues du génial Michel Audiard qui, comme à son habitude, nous réserves de petits bijoux ("En cinq ans, pas un mouvement d'humeur ! Pas une colère, même pas un mot plus haut que l'autre ! Et puis d'un seul coup : crac, la fausse note, la mouche dans le lait ! Ah, je te jure que ça m'a secoué, oui ! ", "N'empêche, de là à le flinguer de sang-froid, sans parler d'assassinat, y aurait quand même comme un cousinage ! ", "Je critique pas le côté farce. Mais pour le fair-play, y aurait quand même à dire", "Tu ne veux pas que je prenne le volant ? - Non. Quand je ne conduis pas, j'ai peur"…). Enfin, on retrouve la galerie habituelle de "gueules" du cinéma français des années 60 qui n’ont plus d’équivalent aujourd’hui, avec l’extraordinaire Lino Ventura, éblouissant de charisme en brute malgré lui, le pleurnichard Jean Lefebvre en escroc "mascotte des tortionnaires", l’excellent Michel Constantin en complice qui connaît la musique, la mimi Mireille Darc en épouse revancharde, le classieux Tommy Dugan en grand méchant ou encore les apparitions des indispensables André Pousse et Robert Dalban. "Ne nous fâchons pas" est donc une comédie réussie bien qu’inégale qui, petit bonus, est porté par une vague de nostalgie musicale, le rock anglais des 60’s étant à l’honneur.