Les souvenirs de Enki Bilal sont précis : le projet de Immortel a fait irruption dans son atelier, sous la forme de Charles Gassot, alors qu'il travaillait sur la planche 26 de 32 décembre. Le producteur lui proposa alors des moyens techniques et financiers à la hauteur du projet... Seule condition de Bilal : avoir des acteurs en chair et en os pour incarner ses héros de papiers.
Immortel est le troisième film d' Enki Bilal, et sa première véritable adaptation : "Ce qui m'excitait le plus dans cette histoire d'adaptation, c'était l'idée de rupture. Prendre la liberté de revisiter la Trilogie Nikopol au point de tout faire imploser... Je n'avais évidemment pas de comptes à me rendre à moi-même. J'ai pris le parti de ne pas relire mes albums, et de confier à quelqu'un le rôle de déclencheur." Immortel est ainsi inspiré de sa trilogie La Femme piège / La Foire aux immortels / Froid équateur.
Le projet de Immortel (ad vitam) s'est développé sous le tire de La femme piège, du nom du deuxième album de la trilogie Nikopol. Le titre Immortel (ad vitam), qui englobe l'ensemble de la trilogie et fait référence au personnage divin de Horus a finalement été retenu.
En raison de l'ampleur du projet, Enki Bilal et Serge Lehman ont dû simplifier une partie de l'intrigue politique présente dans les bandes dessinées : "On a donc surtout planté un décor de dictature médico-eugénique dans un contexte éléctoral classique (nous avons déjà un pied dans ce monde), pour rompre avec les enjeux purement idéologiques du vingtième siècle, et de la bande dessinnée elle-même, qui date des années quatre-vingt", explique le réalisateur.
Né à Belgrade, Enki Bilal a appris le français à l'âge de six ans et découvert Baudelaire adolescent. En hommage au poète, les vers de Une Charogne et du Poison, deux poèmes des Fleurs du mal ouvrent et concluent Immortel.
Enki Bilal tenait à ne pas engager de stars pour les rôles de Jill et Nikopol. Il a rencontré Linda Hardy assez rapidement : alors qu'il organisait un casting pour réaliser un premier teaser susceptible de convaincre les investisseurs, elle s'est présentée, les cheveux teints en bleu - tout comme Jill. La ressemblance était frappante et les motivations de l'ancienne Miss France, pour s'engager dans ce film, étaient réelles. Quant à Thomas Kretschmann, Patrice Chéreau l'a présenté à Charles Gassot, le producteur du film, alors que le comédien venait de terminer le tournage du Pianiste.
Le corps des acteurs a été retravaillé par des effets spéciaux, pour rendre plausible leur caractère de mutants. Travail difficile pour le réalisateur Enki Bilal qui témoigne : "affronter le problème quasi-éthique de substituer visages, corps, chair de comédiens réels par de la texture synthétique, de nier leur apparence, de faire à l'insu de leur plein gré de la manipulation d'images génétiques."
Le tournage de Immortel s'est déroulé en plusieurs fois, et le travail infographique a été lancé dès le début. Un premier tournage "traditionnel" a duré cinq semaines, en studio, suivi par un second tournage de sept semaines, durant lesquelles les comédiens jouaient sur fond vert, dans la plus grand abstraction. Pendant encore trois semaines, des acteurs en collants ont évolué devant une dizaine de caméra à infra-rouge, pour capter tous leurs mouvements.
54 840 000 : ce n'est pas le budget du film, mais le nombre de secondes -approximatif- nécessaire à Enki Bilal et aux 200 infographistes qui l'ont aidé à la post-production, élaborée chez Duran, pour finaliser le film.
Pour les non-initiés de l'univers "enkibilalesque", comme pour les intitiés qui auront quelques surprises, rappel des personnages principaux :
Horus : Dieu du ciel à la tête de faucon, il a été condamné à mort pour rebellion par ses pairs. Il a 7 jours pour revoir la terre des hommes, qu'il a contribué à créer.
Jill : Etrange créature -ni tout à fait mutante, ni tout à fait humaine- qui pleure des larmes bleues. Personne ne sait d'où elle vient.
Nikopol : Condamné emprisonné pour ses idées subversives. Au bout de 30 ans d'hibernation, son container est perdu à cause d'un court-circuit. Il est de nouveau à New York.