Initialement prévu pour être la suite du culte Seven de David Fincher avant d’être transformé en œuvre originale, le script de Solace fut pendant longtemps mis de côté. Passé de mains en mains au fil des ans, il tombera dans celles d’Afonso Poyart qui l’utilisera pour en faire son deuxième film et ainsi débuter sa carrière aux États-Unis. Malgré la réunion d’un casting prestigieux qui aurait pu lui assurer une certaine attraction auprès des spectateurs, le film est resté dans un placard durant deux ans après la fin de son tournage pour enfin venir voir le jour sur les écrans français et eux seulement. Du moins pour le moment. Cela peut laisser craindre le pire quant à la qualité d’une œuvre dont quasiment personne n’a parlé et dont la campagne promotionnelle fut quasiment réduite à néant. Mais une fois face au produit fini, le film de Poyart est-il la purge pressentie ou est-ce au contraire une bonne surprise ? Le scénario, malgré de très nombreuses réécritures, se montre vraiment surprenant dans sa cohérence et son originalité. Mêler intrigue policière et éléments paranormaux aurait pu créer un déséquilibre faisant tomber le film dans le ridicule mais l’ensemble est bien tenu et tient comme par miracle debout. Surtout que l’intrigue est remplie de clichés dans son déroulement et dans sa manière d’amener les révélations et autres rebondissements comme par exemple avec le caractère hautement mystérieux du personnage principal, qui lorsqu’il apprend quelque chose d’important, préfère garder tout pour lui et donc handicape le déroulement du récit. Ce genre de développements ne sert qu’à tirer certains éléments en longueur et tombe dans le déjà-vu parfois agaçant et didactique. Car l’histoire, déjà très prévisible, n’est pas aidée par des personnages caricaturaux aux passifs déjà connus, tellement ils ont été utilisés à outrance dans ce genre de films policiers et ils ne sont pas vraiment mis en valeur par des dialogues souvent insipides mais qui arrivent, dans la dernière partie du film, à trouver plus d’épaisseur et de pertinence. Ce qui finalement apporte un peu de fraîcheur au milieu de ce schéma narratif basique et ses développements génériques, c’est toute la partie surnaturelle. Alors que l’on aurait pu penser que ce serait l’élément handicapant c’est finalement tout l’inverse, apportant une réflexion non dénuée d’intérêt sur la mort et la souffrance, devenant même un plaidoyer sur l’euthanasie tout en acceptant son ambiguïté morale et les questionnements qui gravitent autour. Cela permet au tueur d’avoir une psychologie bien plus intéressante que ce que l’on peut voir dans ce genre de production même si malheureusement il reste sous-exploité. Il dispose d’une humanité insoupçonnée et sort de tout manichéisme élevant vers la fin cette série B sans prétention au rang de parabole humaniste et sincère sur la fin de vie et la perte de dignité qu’elle implique. Un film qui se montre donc beaucoup plus sensible et franc que l’on aurait pu le penser de prime abord et qui finalement arrive à emporter l’adhésion. Surtout qu’il a l’intelligence d’offrir une fin trouble et qui pousse à la réflexion. D’autant plus que l’ensemble est mené par un casting de grande classe avec en tête, un toujours aussi excellent Anthony Hopkins, qui fait preuve d’une présence douce et charismatique donnant toute sa saveur au film car il incarne son propos à merveille, étant d’une gravité sincère. Il est accompagné d’Abbie Cornish, qui se montre impeccable et qui rappelle de plus en plus Charlize Theron, que ce soit physiquement ou dans son style de jeu, tandis que Jeffrey Dean Morgan offre une prestation sobre et très juste. On peut juste être un peu déçu du face à face entre Hopkins et Colin Farrell qui n’est pas à la hauteur de nos espérances, en raison du peu de présence de Farrell à l’écran. Néanmoins même s’il est peu présent il hante littéralement le film et arrive à voler la vedette à chacune de ses apparitions. Je n’ai jamais été un grand fan de l’acteur, que je trouvais fade mais force est de constater que ces dernières années il s’est amélioré, donnant ici une très bonne prestation. Pour ce qui est de la réalisation, on a le droit à une photographie léchée et agréable à l’œil ainsi qu’une bande son inspirée et prenante. Par contre le montage se montre maladroit, notamment dans les scènes d’actions qui ont tendance à être sur-découpées et donc illisible. La course poursuite en voiture en souffre énormément, étant incroyablement molle et épileptique. Sinon il faut reconnaître que malgré des maladresses (zooms mal gérés, inserts incompréhensibles et flashforwards trop insistants), la mise en scène d’Alfonso Poyart dispose de belles idées. Comme par exemple les flashs clipesques qui apportent une esthétique hypnotique intéressante au film ou encore les scènes éclatées qui montrent, lors des visions du personnage, toutes les trajectoires possibles d’un individu de manière dynamique, ainsi que le travail fait sur l’ambiance générale. Le film n’hésite pas à tomber dans le morbide avec certains flashs dérangeants utilisant la symbolique de manière habile permettant même de faire traverser un souffle mélancolique à travers l’œuvre, sans parler de l’atmosphère pesante lors des découvertes de scènes de crimes qui arrive à créer un léger malaise par moments, soulignant un travail visuel parfois bancal mais aux fulgurances diablement originales et efficaces. En conclusion Solace est un film des plus sympathique. Malgré tout, des défauts évidents et parfois même agaçants persistent, comme une trop grande accumulation de clichés, une prévisibilité encombrante, des maladresses envahissantes dans la réalisation ainsi qu’un face à face Hopkins-Farrell qui est au final anecdotique. Par contre cela n’enlève rien à la surprise que nous offre le film qui se montre bien plus pertinent et original que prévu. Il fait même parfois office de vent de fraicheur, car il se montre terriblement humain et touchant dans sa démarche, traitant son sujet difficile avec pertinence, justesse et sincérité, évitant par la même occasion tout manichéisme et disposant de quelques fulgurances visuelles bien senties ainsi que d’un casting impeccable. Une série B efficace, bien sentie et qui mérite indéniablement le coup d’œil.