Un film qui sent la laque des planches de Broadway, le whisky vomi à l'arrière d'une boîte de jazz malfamée, le parfum bon marché qui cocotte dans les cellules de prisonnières, et le papier neuf recouvrant les Unes de tous les tabloïds à sensations qui colorent les kiosques... On a vu Chicago très jeune (trop pour saisir les plans très sexualisés de ce Rob Marshall qui n'est pas là pour cacher les formes féminines, mais au contraire pour les mettre en valeur comme une liberté de plus à disposer de l'image de son corps... Toute ressemblance avec le propos du film serait : volontaire), nous cantonnant à l'époque à l'effarement des chorégraphies enfermées dans des cadres très réduits (pour suivre l'esthétique "sur scène") et pourtant stupéfiantes (par la mise en scène et les performances des acteurs et actrices), aux chansons qu'on n'a cessé de chanter (on avait acheté le CD, labellisé "n'ouvrez pas les fenêtres en voiture"), et évidemment au casting impeccable qui joue chaque rôle comme si leur carrière en dépendait (clairement : non, mais ils ont l'élégance de se donner à fond). Renée Zellweger est touchante en simplette qui rêve des planches et a un coup de sang face à un homme qui est loin de tout reproche (est-ce qu'on pleure un gars menteur et violent, qui abuse et frappe une femme crédule ? Surprise : non), Catherine Zeta-Jones nous bluffe avec son personnage plus calculateur et sulfureux, et Richard Gere en truculent avocat hypocrite, est le dernier clou qui enfonce notre enthousiasme pour cette comédie musicale. On ne peut s'empêcher, en revoyant le film une quinzaine d'année plus tard, de retomber en amour pour ce parti-pris "planches" de chaque show musical, de voir combien le film est lui-même amoureux de la cause féminine (et critique envers les apparences, le showbiz et les médias), de fredonner les chansons en même temps (surtout notre favorite : We Both Reached for the Gun, un coup de cœur entêtant), de savoir que John C. Reilly peut faire verser une larme (incroyable chanson Mister Cellophane), et de se dire que Rob Marshall est vraiment un magicien de la chorégraphie musicale. Chicago reste parmi nos comédies musicales favorites, et on braque le flingue sur qui viendra nous dire l'inverse.