Le Roman d’un tricheur est un film ludique, intelligent, qui appartient aux bonnes réalisations de Sacha Guitry, sans être non plus un grand moment de cinéma comme certains le présente.
Le film s’appuie d’abord sur un très bon casting. Vraiment pas grand-chose à redire. Sacha Guitry est excellent dans le rôle principal. Il a une présence à l’écran assez exceptionnelle dans son rôle, et il a une manière délicieuse de narrer ce film, puisqu’en effet tout ou presque est en voix off. Face à lui un très joli casting féminin, avec en particulier une Jacqueline Delubac aussi charmante que subtile dans son jeu. Elle tient en plus un personnage plaisant, à l’instar de l’ensemble du casting, doté de rôles hauts en couleurs. Des rôles largement féminins, et le côté charmeur, ludique et piquant de cette comédie doit autant à Guitry qu’à cette galerie de femmes interprétées avec malice.
Le scénario est assez inégal, et c’est le bémol que je mettrai à ce Roman d’un tricheur. Le film est court, la voix off offre de répliques bien écrites et souvent drôles, et la première partie du film, notamment la « genèse » du héros, est un grand moment de cinéma. Après, la suite a des défauts. Rien qui n’altère significativement la qualité du film, mais tout de même, le tricheur se résume finalement à un tricheur au casino. On se retrouve dans une sorte de huis-clos un peu frustrant, d’autant que le contexte du casino était bien le plus classique que Guitry pouvait trouver. Malgré de belles trouvailles, une écriture fluide et maline qui fait tout de même de cette histoire un frais divertissement, force est de constater que je suis un peu resté sur ma faim, attendant de ce tricheur des astuces plus nombreuses et plus variées. La fin pourra aussi paraître assez abrupte.
Formellement, je n’ai rien de spécial à redire. Le film est assez théâtral si l’on considère qu’il y a peu d’extérieurs, et que Guitry offre une mise en scène assez statique. Guitry est avant tout un auteur, moins un metteur en scène, et il y a c’est vrai un décalage entre la finesse d’écriture des dialogues, l’humour subtil qui y ait introduit, et la mise en scène. Il y a tout de même de belles idées (l’homme au visage caché), et si la réalisation est statique, les cadrages, les angles de vue sont parfois d’une recherche certaine. Sans atteindre des sommets, Le Roman d’un tricheur est intelligemment fait, et il a cette fraicheur sur la forme que l’on trouve dans le fond.
En somme, je ne dirai pas qu’on tient là un chef-d’œuvre du genre. L’histoire devient un peu classique dans la seconde partie, s’enfermant de trop dans le contexte du casino et surprenant donc moins que la bonne première partie du film qui laissait envisager un parcours de vie plus original et plus trépidant. Le métrage est donc une belle découverte, mais Guitry limite ses ambitions, c’est manifeste. 3.5