« Keoma » a une réputation flatteuse. Il serait le dernier western spaghetti majeur, sorti alors que le genre avait déjà largement décliné. Pour autant, ne vous attendez pas à un schéma de western classique. Certes, le pitch est ultra conventionnel : Keoma revient de la Guerre de Sécession, et découvre sa ville presque morte, tombée sous la coupe d’un funeste propriétaire terrien.
Mais passé cela, « Keoma » demeure un film singulier. D’abord par l’ambiance étrange qu’il dégage, fantastique, infernale et lyrique. Entre l’épidémie de peste et la ville ravagée, on a presque l’impression de voir un film post-apocalyptique, un enfer enclavé entre des vallées étonnement verdoyantes.
Et puis il y a les apparitions récurrentes de cette sorcière. Ou ces flashbacks sur l’enfance de Keoma, dont les images sont souvent mêlées à celles du présent. Cela permet en tout cas de bien développer le protagoniste, un homme mi-indien (oui oui, on parle de Franco Nero et ses yeux bleus !) qui va retrouver son père adoptif, et affronter les fils de celui-ci. De quoi rajouter des tensions, et des rebondissements intéressants.
Un court flashback suggèrera subtilement que le père adoptif de Keoma est en réalité son père biologique, d’où la haine de ses frères et ses origines métis.
Par contre, au-delà des personnages, le scénario est primaire. Les méchants sont tous d’infectes crapules, les protagonistes font des allers-retours. De plus, la BO en mode rock progressif ne m’a pas entièrement convaincu. De belles mélodies, mais trop de chants décrivant ce qui se passe à l’écran. C’est un peu lourd.
Néanmoins, le film bénéficie de deux autres très bonnes qualités. D’une part, sa distribution sympathique. On retrouve une nouvelle fois l’iconique Franco Nero en pistolero au passé douloureux. Je salue d’ailleurs l’ingéniosité des costumiers, qui arrivent à chaque western qu’il tourne à lui trouver un accoutrement qui le distingue des précédents ! Ici, il est en mode barbe et cheveux longs…
A ses côtés, l’habitué des western William Berger dans un rôle plus profond que d’habitude. Le charismatique Woody Strode. Et plusieurs accoutumés des films de Castellari, dont beaucoup sont également dans « Il grande racket », sorti la même année.
Et justement, c’est l’autre qualité du film : sa mise en scène héritée du poliziottesco. Les fusillades et cascades sont nombreuses et nerveuses à souhait. Castellari sait placer ses caméras pour assurer un découpage efficace, tout en proposant quelques plans vraiment originaux. Il a tendance à beaucoup utiliser de ralentis, parfois c’est très bien pensé, parfois un peu gratuit.
Un petit mot sur la fin quand même, assez étonnante.
Keoma, qui n’a plus rien, s’enfuit en laissant un nouveau-né seul dans les bras de la sorcière. Il s’agit de l’enfant de la femme qui s’est sacrifiée pour lui.
« Il n’a pas besoin de moi. Il survivra, car un homme libre ne peut pas mourir ».
Mouais… Pas très responsable quand même ! Je me suis dit qu’il y a peut-être un sens caché. Keoma s’enfuyant seul, sans rien, refusant la « suite » (l’enfant) représenterait le western spaghetti qui se sait terminé. Le successeur indéterminé du genre étant libre de faire ce qu’il veut, et sera lui-aussi immortalisé par la pellicule.
Bon, je vais sans doute chercher trop loin…