"Voyage en Italie" est peut-être un jalon de l’histoire du cinéma, mais son impact, comme celui du néo-réalisme en général, s’est nettement émoussé. En 1954, voir à l’écran un couple qui, après 80 minutes de bisbilles, finit par se jeter à la figure "Eh bien, divorçons !", ça n’allait pas de soi. Aujourd’hui... Beaucoup de choses marchent mal dans ce film. La mayonnaise entre l’ambition documentaire (les visites de Naples, de ses catacombes, de son musée, de Pompéi…) et le drame sentimental vécu par Ingrid Bergman et George Sanders ne prend pas. Le coup de théâtre final est très artificiel (est-ce une forme de méthode Coué pour sauver le couple Bergman – Rossellini, qui à l’époque battait sérieusement de l’aile ?). Sanders n’est pas un acteur inoubliable. Et Ingrid… ça me tue de le dire, mais elle n’est pas formidable non plus. Ingrid, c’est une actrice qui a besoin qu’on lui offre un écrin – ce n’est pas quelqu’un, comme Lauren Bacall, qui va faire une interprétation mémorable à elle toute seule. Curtiz, Hitchcock, ont su lui offrir un tel cadre. Rossellini, beaucoup plus rarement. Il est un cinéaste du réel, elle est une actrice de rêve, et les deux collent mal. Parfois, il y a un gros plan sur ses yeux, sur ce regard où se peignent toutes les émotions du monde. Alors, pour quelques secondes, la magie opère. Mais souvent, ce ne sont que situations convenues et dialogues plats, dont Ingrid s’accommode mal. "Voyage en Italie" est un film souvent frustrant…