Ben voilà un film qui a un souci majeur : on lance un point de départ curieux et un peu scabreux, ça appâte le chaland, c’est génial, seulement voilà, derrière, une fois l’acte consommé, ben, on a soit oublié d’écrire la suite, soit on a viré le scénariste ! Proposition indécente n’est donc intéressant que pendant 30 minutes !
Et c’est bien là que le bât blesse très sérieusement ! Le film dure presque 2 heures, et pourtant, passé trente minutes, plus rien (déjà que dans les trente minutes il y a du bourrage). Passages téléphonés, narration chaotique, facilités scénaristiques hallucinantes (la fin est une catastrophe ambulante !), Proposition indécente accumule les lourdeurs, le sirupeux, et n’a d’indécent que son titre ! Car c’est peut-être un des rares films qui traite d’un sujet amoureux, pour ne pas dire sexuel, dans lequel il n’y a quasiment pas de sexe ! Pour gratter un baiser entre Demi et soit Harrelson soit Redford, faut chercher ! Je ne sais même pas s’il y en a un en fait, malgré deux scènes d’amour très discrète dans la première partie. Donc on s’ennuie ferme plus d’une fois, faut le dire, avec, de surcroit, pour achever le tout, des passages un peu ridicule (la vente aux enchères !).
Le casting répond présent, mais bon, est-ce suffisant ? Demi Moore est lumineuse, comme souvent, et au moins on ne peut pas dire qu’elle ne sait pas jouer la tristesse (c’est sans doute ce qu’elle sait jouer de mieux d’ailleurs). Autant dire que le drame sirupeux c’est pour elle, et puis elle peut aussi s’investir dans un film sensuel, et à ce niveau elle n’est pas très bien utilisée. Harrelson tient la baraque dans un rôle malheureusement balisé par les clichés, et Redford s’offre quelques élégantes apparitions, n’ayant pas un personnage balisé par les clichés vu qu’en fait on ne saura pas grand-chose de lui si ce n’est qu’il est riche ! En clair vous l’aurez compris, de bons acteurs qui se débattent avec des rôles pas géniaux du tout.
Visuellement Lyne revient à ses amours après L’Echelle de Jacob, et signe un film tout à fait caractéristique de son style. Photographie toute en froideur, faite de gris, de bleus, de blanc, de marron, léchée et travaillée, mise en scène lente qui ne manque pas d’une certaine élégance mais qui apporte aussi un côté très classicisant à un film qui l’est déjà bien trop dans son histoire. A mon sens on reconnait la patte Lyne, mais je crois que le réalisateur, pour aborder des sujets licencieux devrait se doter d’un style moins sobre, moins uniforme. En fait Lyne ne fait pas de vague, même s’il a clairement un sens de l’image dans chacun de ses films. On peut dire qu’il n’est pas le seul, les décors sont ultra balisés, tout comme la bande son au final.
En fait Proposition indécente tient énormément de Liaison fatale qui avait apporté le succès au réalisateur. Mêmes défauts sur le fond, mêmes remarques sur la forme, beaucoup trop lisse, sans aspérité, pour un sujet qui au contraire doit permettre de laisser s’exprimer des émotions violentes, contrastées, de la fureur même, du torride. Néanmoins, ici l’histoire est encore plus lourde et invraisemblable que Liaison fatale, et la fin est anémique, donc je ne donnerai que 1.5, pour des acteurs courageux, pour une réalisation classicisante mais techniquement peu critiquable.