The Pelican Brief appartient à ce genre typiquement américain de l’enquête journalistique sur fond de scandale politique, acte de foi placé dans la presse engagée pour la défense de la vérité et du bien commun – pensons aux figures tutélaires de Katharine Graham pour l’affaire des Pentagon Papers ou de Bob Woodward et Carl Bernstein pour celle du Watergate. Néanmoins, son originalité réside dans la distance qu’il place entre l’étudiante en droit, à l’origine de la découverte, et le reporter en charge de l’enquête, puisqu’il faut attendre une heure avant de voir les deux personnages réunis à l’écran ; Alan J. Pakula préfère les perdre dans des foules venues festoyer ou militer, séparant ainsi deux villes parcourues par chats et souris : La Nouvelle-Orléans et Washington. Les nombreux plans filmés à la grue, en confondant Darby et Gray dans une masse en mouvement, expriment tout à la fois la force de l’anonymat, synonyme de liberté individuelle, et la précarité de cet état à l’ère d’une surveillance généralisée. L’un des derniers plans du long métrage orchestre d’ailleurs le passage des coulisses au devant de la scène : par un jeu sur l’image, le secrétaire part d’un bureau de surveillance pour ensuite entrer dans le bureau ovale et annoncer la nouvelle au président, actions retranscrites par l’intermédiaire des écrans. Dit autrement, la mise en scène participe à ce climat paranoïaque : pensons au traveling pirate le long des fenêtres éclairées d’un niveau d’immeuble, jusqu’à l’arrêt une fois la cible trouvée ; aussi à celui qui suit les pas silencieux du duo traqué par leur ombre, homme et femme infiltrés dans la banque et soucieux de les faire disparaître.
The Pelican Brief n’est que reflets, telle la réflexion de l’image de Darby et Gray dans l’un des rétroviseurs des véhicules garés dans le parking souterrain ; il s’intéresse au décalage entre les apparences et la réalité, entre la légère mais certaine dissonance qui fragilise la continuité logique du son et de l’image. Une séquence, la meilleure du long métrage, l’incarne remarquablement : par un parti pris de mise en scène, l’interview enregistrée sur le magnétophone du journaliste est diffusée à la place du son de la captation vidéo, occasionnant un doublage curieux qui invite le spectateur, comme peut-être les protagonistes, à se méfier des évidences.
Le film bénéficie de l’interprétation soignée de Julia Roberts et de Denzel Washington, duo attachant quoique inutilement romantisé à terme ; en effet, la clausule fait retomber la tension générale et mine la rigueur de réalisation de Pakula, au profit d’une guimauve pétrie dans la partition mielleuse d’un James Horner qui recycle ses thèmes – même si le travail sur les cordes pour obtenir des sonorités stridentes similaires au cri du pélican s’avère pertinent. L’ensemble souffre enfin d’un démarrage non pas laborieux mais trop lent, s’arrêtant par exemple sur la relation entre l’étudiante et son professeur alors que leur fil dramatique se voit rapidement cassé après l’explosion du véhicule. Reste une œuvre réussie qui prolonge l’intérêt du réalisateur pour le démantèlement des complots après All the President’s Men (1976).