L’Affaire Nevenka a été présenté en compétition officielle au Festival de San Sebastian en 2024, et également à Lyon la même année, au Festival Lumière, dans le cadre d’une rétrospective d’Icíar Bollaín, invitée d’honneur.
L’Affaire Nevenka est inspiré de l’histoire de Nevenka Fernandez, l’une des premières femmes à avoir dénoncé publiquement Ismael Alvarez, un puissant homme politique espagnol qui l'a agressé sexuellement dans les années 1990. C’est aussi la première fois dans le pays qu’une femme gagne le procès dans une telle affaire. Âgée de 30 ans au moment des faits, la réalisatrice en a gardé un souvenir marquant, et a décidé de transposer l’histoire sur grand écran.
L’Affaire Nevenka met également en lumière le manque d’empathie de la population de l’époque à l’égard de Nevenka Fernandez, puisque le maire accusé était apprécié par la population. Contrairement à l’ère post #MeToo où les victimes sont largement soutenues par l’opinion publique, ce n’était pas le cas dans les années 90, et particulièrement sur cette affaire. À travers son film, Icíar Bollaín souhaite "aider toutes les Nevenka du monde entier."
Pour camper le maire Ismael Alvarez, la cinéaste a choisi Urko Olazabal, qui avait déjà tourné pour elle dans son précédent long-métrage, Les Repentis (2021).
L’écriture du film avec sa co-scénariste Isa Campo a pris deux ans.
Si le titre Français est "L’Affaire Nevenka", il s’intitule en espagnol Soy Nevenka, qui fait référence au processus de la victime pour retrouver son identité, à mesure que le procès avance. En effet, après son agression, elle confie à son psychologue "Je ne me reconnais pas". En outre, au début du film, le maire Ismael Alvarez la surnomme "Quenka" pour "la diminuer, la réduire à une enfant", selon la réalisatrice. Le fait d’affirmer son nom haut et fort lui fait reprendre confiance.
Icíar Bollaín a privilégié la fiction au documentaire pour son film, afin de pouvoir "vivre l'histoire avec Nevenka, de ressentir sa terreur et son angoisse, à mesure qu'elle s'enfonce dans l'abus et qu'elle s'en libère", selon ses propos. Un défi pour elle, puisque Nevenka Fernandez est toujours vivante, et que la réalisatrice a donc dû être au plus près des faits, tout en inventant certains épisodes de sa vie afin de coller à la narration.
Icíar Bollaín et sa coscénariste Isa Campo se sont beaucoup documentées pour écrire le film. D’abord, elles ont rencontré à plusieurs reprises Nevenka, mais aussi ses amis, son psychologue de l’époque, son avocat et son compagnon, qui est devenu plus tard son mari. Mais ce n’est pas tout. Dans un souci de réalisme extrême, les deux femmes sont allées à Ponferrada où se sont déroulés les événements, afin d’interroger des fonctionnaires qui avaient travaillé avec elle, mais aussi des journalistes de l’époque. Enfin, elles ont eu accès à tous les documents du procès, ce qui a permis de rendre fidèlement compte des différentes plaidoiries, et de les retranscrire avec exactitude.
Icíar Bollaín a beaucoup travaillé sur la photographie du film, afin de choisir une palette de couleurs qui colle à l’époque. Le bleu accompagne ainsi Nevenka, tandis que des ocres et gris ont été choisis pour le reste du film. Elle explique :
"C'était une manière de faire ressentir l'époque, mais aussi de maintenir une certaine homogénéité car le film comporte pas mal de scènes avec de nombreux figurants. Le film est porté par Nevenka et Ismael, mais il y a aussi une dimension chorale. Ils sont souvent entourés par de nombreux rôles secondaires dont les parents, les membres du conseil, l'avocat, les amis, le petit ami. […] Nous devions les contrôler sur le plan esthétique, de façon à avoir des images avec de la texture et obtenir un rendu cinématographique."
À l’origine, la scène d’ouverture durant laquelle on voit un carton noir avec seulement les crépitements d’un feu d’artifice et la respiration saccadée de l’héroïne devait être située à la fin du film. Cependant, en salle de montage, Icíar Bollaín a vu les choses autrement et a préféré la placer au tout début du film : "J'ai pensé que si l'on montrait son arrivée paniquée à son appartement, juste avant la scène avec l'avocat, cela nous aiderait à comprendre son état d'esprit perturbé et son trouble[…] En la déplaçant au début du film, l'ouverture devenait plus intrigante et puissante", conclut-elle.
Icíar Bollaín a réalisé un casting très long et consciencieux pour trouver la comédienne qui se glisserait sous les traits de Nevenka, un personnage "à la fois fragile et capable de défier son agresseur", selon la cinéaste. Son choix s’est porté sur Mireia Oriol, avec qui elle a travaillé étroitement pour la mettre en confiance dans les scènes difficiles.
Ce n’est pas un hasard si Icíar Bollaín s’est emparée de la vie de Nevenka Fernandez pour la transposer à l’écran, puisqu’elle est très investie dans la défense du droit des femmes, y compris dans le cinéma. Sa filmographie est d’ailleurs imprégnée de la question du sexisme ou de l’emprise. Elle a également fondé la CIMA en Espagne, l’Association des femmes du cinéma, de l’audiovisuel et des médias, afin de les encadrer contre toutes dérives et discriminations.
Si Icíar Bollaín a fait la majorité de sa carrière en tant que réalisatrice et scénariste, elle est également apparue devant la caméra dans de nombreux films, dont Land and Freedom de Ken Loach, en 1995.